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vendredi 12 mai 2017

Hôtel du Grand Cerf de Franz Bartelt


 Éditions du Seuil

Quand Nicolas Tèque se voit confier une mission, il ne sait pas qu’il va mettre les pieds dans une espèce de nid de vipères particulièrement voraces… Et c’est peu dire ! Chargé en effet, en tant que journaliste, d’aller enquêter sur la mort a priori accidentelle d’une jeune actrice, Rosa Gulingen, décédée dans sa baignoire un demi-siècle plus tôt, il n’est pas bien convaincu de l’intérêt de sa mission, mais comme il est vaguement désoeuvré et désargenté, il obtempère.
Les renseignements qu’il glanera sur place permettront à un producteur de réaliser un documentaire sur cette actrice et son ami de l’époque, un certain Armand Grétry.
Et voilà notre Nicolas parti pour Reugny, petit village au cœur des Ardennes : une chambre lui est réservée à l’Hôtel du Grand Cerf, tenu par une certaine Thérèse Londroit qui voue un culte absolu à cette Rosa Gulingen qui a eu la bonne idée de se noyer dans la baignoire d’une des chambres de l’hôtel où elle logeait avec toute l’équipe du tournage, ce qui a apporté une certaine renommée à l’établissement.
Mais lorsque Nicolas débarque de Paris, il découvre un village sens dessus dessous : deux meurtres viennent d’avoir lieu et une disparition. Du jamais vu dans ce pays où tout le monde connaît tout le monde  depuis la nuit des temps et où « on règle ses comptes avec trois siècles de retard, mais on les règle. » Douce humanité…
C’est donc logiquement qu’arrive à l’auberge du village un certain Vertigo Kulbertus… Inspecteur…
Alors, comment vous dire ? Vertigo Kulbertus… (Ah, ce nom !)
Rien que pour ce personnage, le livre vaut le détour… et plus que ça même… A quatorze jours de la retraite, ledit inspecteur qui a horreur des déplacements, sa masse corporelle dépassant l’impensable, arrive à l’auberge en râlant, en demandant un lit très large soutenu par des parpaings et des briques. Trois oreillers : monsieur ne peut dormir allongé. Pour les repas, c’est simple, il mange tous les jours la même chose: frites et boulettes le matin, frites et cervelas le midi, frites et fricadelles à quatre heures, frites et brochettes de steak haché le soir : « Toujours dans le même ordre et toujours avec des frites. » On avait compris ! Et la bière, sans mousse, s’il vous plaît. Un gars qui dit ce qu’il a à dire et plus, si besoin est, direct quand il le faut, logique à sa manière : « tous les assassins ont des alibis. Un assassin sans alibi, c’est un pompier sans échelle », sans gêne, plus qu’un brin vulgaire, très cabotin, s’arrangeant avec la justice et la morale si nécessaire, un gars dont le naïf du coin se dit en le voyant : l’assassin peut dormir sur ses deux oreilles, il ne risque pas d’être arrêté par cet excentrique un peu barge…
Mais, méfions-nous de l’eau qui dort… Thérèse Londroit n’est pas dupe : elle a bien senti qu’il fallait se méfier de l’inspecteur qui « cachait son jeu sous des manières loufoques. A travers le grotesque, elle percevait quelque chose de subtil, une logique tortueuse, un genre d’inspiration… » Il sait ce qu’il fait, l’animal et son plan est clair et bien pensé : « J’installe la folie dans le pays. En trois jours, j’ai réussi à semer la pagaille dans les esprits. Ils me prennent pour un dingue. Mais quelque chose en eux les somme de se méfier de moi… Alors je fiche un coup de pied dans la fourmilière, je piétine le bon sens, la logique, la politesse. J’abuse des pouvoirs qui me sont conférés. A la fin, il sortira bien une vérité de ce sac de nœuds. » Une figure de flic qu’on n’est pas près d’oublier…
Un vrai plaisir de lecture : c’est drôle, incisif et le tout parfaitement ficelé…

Un seul bémol : dites-moi, Monsieur Franz Bartelt, votre Vertigo Kulbertus, il ne pourrait pas faire un peu de rab parce que quand on s’attache… Allez, remettez-le au boulot, on l’aime tellement !

2 commentaires:

  1. Intrigant cet inspecteur Vertigo Kulbertus ! Je n'ai encore jamais rien lu de cet auteur; ta critique m'a donné envie de le découvrir. Merci !

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  2. Pas du tout vu sur les étals - mais en même temps, je ne m'attarde jamais beaucoup devant la littérature francophone. Je le note; il semble bien.

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