Éditions Métailié
♦♦♦♦♦ (J'ai adoré)
La
Daronne par-ci, la Daronne par-là et les « tu l'as lu La
Daronne ? », ou les
« ah, vous ne connaissez pas La
Daronne ? »...
Ok,
le livre ne faisait pas partie de mon programme d'été (comme celui
que je suis en train de lire d'ailleurs…) mais tant pis, j'ai
craqué pour La Daronne
et j'ai voulu savoir qui se cachait derrière cette femme planquée
derrière des lunettes noires et un fichu, l'imper serré à la
taille et deux énormes sacs Tati à ses côtés ! Et, bien
m'en a pris ! Car cette daronne vaut le détour !
(D'ailleurs, je crois que c'est l'auteur elle-même qui pose sur la
couverture !)
Le
sujet : Patience Portefeux est née d'un père pied noir et
d'une mère juive : « Mes parents étaient des métèques,
des rastaquouères, des étrangers… Comme tous ceux de leur espèce,
ils n'avaient pas eu beaucoup le choix. Se précipiter sur n'importe
quel argent, accepter n'importe quelles conditions de travail ou
alors magouiller à outrance en s'appuyant sur une communauté de
gens comme eux ... ils n'avaient pas réfléchi longtemps. »
Patience
Portefeux a donc été à bonne école et, à cinquante-trois ans,
veuve depuis longtemps, alors qu'elle travaille comme interprète
(elle parle arabe couramment) dans les tribunaux ou traduit les
échanges des dealers mis sur écoute pour la brigade des stups du 36
quai des Orfèvres, qu'elle gagne trois fois rien au black (= ni sécu
ni retraite) et qu'elle doit subvenir seule aux besoins de sa mère
placée en E.H.P.A.D (les Éoliades, 3000 euros x 12 !) et laisser un
petit héritage à ses filles, elle se dit que si elle parvenait à
arrondir ses fins de mois d'une façon ou d'une autre, ça ne serait
pas de refus ! Il faut seulement que l'occasion se présente -
l'occasion fait le larron - et le moment venu, ne pas hésiter même
si l'on risque de franchir la ligne jaune et de devenir une
hors-la-loi (et quand on fréquente un flic divorcé, c'est
embêtant!) Quant à se transformer en Daronne, il n'y a qu'un pas…
Mais, c'est quoi, au fait, une Daronne ? Ah, ah !
Suspense !
Le
personnage principal, à la fois femme et mère désespérée (il y a
d'ailleurs plusieurs très beaux portraits de femmes dans ce roman),
complètement usée par la vie, veut s'en sortir, coûte que coûte :
elle n'a plus le choix. Alors, quand elle prend conscience qu'un
traducteur juridique « entend tout avant les autres »,
elle se dit que ces petites choses-là donnent un certain pouvoir...
dont il faut savoir profiter ! « Je traduisais ça à
l'infini… encore et encore… Tel un cafard bousier. Oui, ce petit
insecte robuste de couleur noire qui se sert de ses pattes
antérieures pour façonner des boules de merde qu'il déplace en les
faisant rouler sur le sol… Eh bien son quotidien minuscule est à
peu près aussi passionnant que ce qu'a été le mien pendant presque
vingt-cinq ans : il pousse sa boule de merde, la perd, la
rattrape, se fait écraser par son fardeau, n'abandonne jamais quels
que soient les obstacles et les péripéties rencontrées… Voilà
ce qu'a été ma vie professionnelle… et ma vie tout court
d'ailleurs puisque j'ai passé mon temps à bosser. »
Allez,
vous en aurez pour votre argent car ce livre est d'une drôlerie
insensée : c'est une œuvre pleine d'humour (noir), cinglante,
incisive, qui place le projecteur sur de réels problèmes de société
(légalisation de la drogue, place de la femme, parents âgés à
placer….) Tant pis pour la morale et la loi !
Et
puis, la langue est là, imagée (ah les échanges entre dealers :
du pur jus!), crue, directe, violente, inattendue, insolente,
percutante, à l'image d'une femme (auteur et personnage) qui dit les
choses comme elle les pense, que ça plaise ou non. Droit au but,
cash ! Du frontal.
C'est
très « politiquement incorrect » et j'adore ça !
Paraît-il
que Hannelore Cayre (avocate pénaliste de métier, c'est dire si
elle connaît le sujet!) nous prépare un roman sur la contrefaçon
et les Galeries Lafayette…
Je
sens qu'on va encore se régaler...
Me tente bien aussi celui-là !
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