Rechercher dans ce blog

lundi 15 janvier 2018

Chanson de la ville silencieuse d'Olivier Adam


Éditions Flammarion
★★★☆☆ (J'ai bien aimé)

Rarement un titre a aussi bien convenu à un roman : en effet, j'ai lu ce texte comme une chanson, une espèce de longue plainte dans laquelle les mots pleurent, les phrases brèves, souvent nominales, comme en suspens, disent la douleur de la perte, de l'absence.
C'est l'histoire d'une fille effacée et fragile qui n'a pas eu d'enfance et dont l'adolescence s'est perdue dans une grande solitude et un terrible sentiment d'abandon. 
Les parents de cette jeune fille qui pleure ? Des êtres ailleurs, occupés par leur vie hors du commun : un père musicien, dont les tubes tournent en boucle sur toutes les radios, une icône vivante sans cesse en tournée, en répétition, en enregistrement, une vedette adulée qui a tout donné et qui noie dans l'alcool et la solitude son malaise profond : « Les chanteurs, en concert, c'est leur peau même, leur corps entier, leurs mots, l'intérieur de leur cerveau qu'ils mettent en jeu. Sans filtre. Sans distance. Dans aucune autre forme d'art on avance à ce point nu, vulnérable. Le chanteur sur scène, c'est un don brut. Primitif. Un truc de cannibale. »
Et puis une mère, de passage, une beauté qui a à peine pris le temps d'embrasser sa fille et s'est évanouie dans des ailleurs de plus en plus flous, de plus en plus lointains et inaccessibles. 
C'est une plainte que l'on entend car ce texte est un long poème, une musique proche des fados, une lamentation triste à pleurer tellement elle porte le désespoir de celle qui a le sentiment de n'être plus rien, sans attache, sans amour.
Errant dans la vie comme dans les villes, elle est sans cesse à la recherche d'une amie, d'un père, d'une mère, de bras pour la consoler, de lèvres pour l'aimer, de mots tendres pour la réconforter. 
Mais rien ne vient vraiment jamais. 
D'ailleurs, peut-on rattraper le temps perdu ? Ce que l'enfance n'a pas donné, la vie d'adulte peut toujours courir, elle ne compensera jamais l'absence, l'indifférence, l'oubli. « Je suis cette fille qui n'a pas besoin d'exister pour vivre. »
Un jour, ce père superstar disparaît : on retrouve au bord du fleuve ses affaires. Suicide ? Oui, certainement, ça devait bien se terminer ainsi, dans un gâchis sans nom et sans même un au revoir à sa fille. 
Rien.
A l'absence s'ajoute le silence du départ. Insupportable.
Mais un jour, longtemps après, un ami tend à la fille un portable : « Tiens c'est drôle, on a croisé ton père » à Lisbonne. La fille se penche sur la photo floue. « C'est son sosie en vieux » ajoute-t-il. Oui, c'est certainement ça, son sosie en vieux. Oui… Peut-être... mais, si ce clochard céleste, cet homme en guenilles était effectivement son père ? Si c'était lui ? 
Alors la quête commence, la recherche d'un père qu'elle n'a pas eu et qu'il serait peut-être temps de rencontrer. N'est-ce pas partir à la recherche d'un fantôme, d'un être qui n'existe plus depuis longtemps, d'un mort, d'une ombre ?

Long poème mélancolique, plainte infinie, délicate, Chanson de la ville silencieuse s'élève doucement tel un fado empreint d'une nostalgie sourde, d'une tristesse profonde et grave et l'on entend, longtemps après la lecture, résonner en nous la voix de celle qui le chante...  

3 commentaires:

  1. Je note : j'ai lu Peine perdue il y a quelques années et avais bien aimé. Ton billet me séduit. Je me laisserai peut-être tentée.

    RépondreSupprimer
  2. On est du même avis, chanson triste mais belle ;o)

    RépondreSupprimer
  3. pas un peu déprimant tout ça?

    RépondreSupprimer