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lundi 22 janvier 2018

Couleurs de l'incendie de Pierre Lemaître


Éditions Albin Michel
★★★★★ (J'ai adoré +++)

Comment exprimer le plaisir que j'ai eu à lire ce roman ? Je n'avais qu'une hâte : que la journée passe pour pouvoir retrouver le plus vite possible tous les personnages incroyables, si merveilleusement bien campés et souvent si attachants - ah, Vladi la Polonaise..., immense coup de coeur aussi pour Robert qui m'a fait tellement rire! Quel soin d'ailleurs accordé aux personnages secondaires ! Quand j'y pense, qu'est-ce qu'on s'est fait suer (pour rester polie) avec le Nouveau Roman et de quels plaisirs on s'est privé ! Quel fabuleux conteur que ce Pierre Lemaître, quel « fabricant d'émotions » comme il se définit lui-même !
Là, c'est un pur bonheur de lecture, une vraie jubilation : la langue est vive et pleine d'esprit (quel art de la formule!), les rebondissements nombreux (quel rythme - aucun temps mort!), les dialogues cocasses ! Qu'est-ce que j'ai ri, surtout dans la seconde partie! Quelle maîtrise dans l'art du récit ! Certains critiques parlent de Dumas, de Balzac : je suis tout à fait d'accord, et j'ajouterai même une petite ironie flaubertienne bien piquante et bien mordante qui m'a ravie. Un vrai roman tragi-comique !
La scène augurale est magistrale : en quelques pages vous êtes complètement embarqué !
Que je vous parle un peu du sujet (j'en dirai le moins possible, c'est promis, pour ne pas « spoiler » votre lecture!) Ah, une autre chose que j'ai oublié de vous préciser : je n'ai pas lu Au revoir là-haut (première partie de ce qui formera finalement une trilogie). Oui, je sais, je n'en reviens pas moi-même car ce titre (prix Goncourt 2013 - mais qu'est-ce que je faisais en 2013 pour être passée à côté ?) doit être aussi génial que le roman dont je vous parle. En tout cas, si vous n'avez pas lu le premier, aucun problème !
Donc, nous sommes à Paris en 1927 et nous assistons aux obsèques de Marcel Péricourt, riche banquier, « emblème de l'économie française » comme titraient les journaux de l'époque. Sa fille Madeleine, divorcée, mère d'un petit garçon, Paul, devient l'héritière d'une fortune colossale et d'un véritable empire bancaire, elle qui ne s'est jamais intéressée à ces choses réservées aux hommes (heureusement, les temps ont bien changé!) et qui est à peine en mesure de signer le moindre chèque ! Tout le gratin parisien est là, on attend même le Président de la République, c'est dire. Elle avait pensé épouser le fondé de pouvoir de la Banque Péricourt, un certain Gustave Joubert, un homme d'une cinquantaine d'années sérieux et économe mais elle y avait finalement renoncé. Bonne ou mauvaise décision, l'avenir le dira ... 
En attendant, tout ce petit monde se trouve dans la cour de l'hôtel particulier des Péricourt et l'on commence à s'impatienter d'autant que le froid se fait sentir. Mais il manque encore quelqu'un, celui qui doit se trouver en tête du cortège : le petit Paul. Mais où a-t-il bien pu se cacher ?
Stop, pas un mot de plus…
C'est une période étrange que vous découvrirez, celle de l'entre-deux-guerres : la crise de 29 arrive à grands pas, tous les coups bas semblent permis et touchent tous les secteurs : politique, économique, bancaire, journalistique, industriel…
Chacun semble prêt à faire preuve de la pire hypocrisie et des bassesses les plus méprisables : trahisons, lâchetés, mensonges, manigances, médiocrités en tous genres sont à l'honneur. Quels portrait nous livre Lemaître de l'humanité ! Quelle peinture effrayante et … si juste ! J'ai beaucoup aimé ce regard ironique qu'il porte sur les hommes (et les femmes, bien sûr). Que ne serait-on prêt à faire pour gagner plus, avoir une place en vue, se faire connaître ? Sur ce plan, je ne suis pas sûre que les choses aient beaucoup changé !
Ah la course à l'argent et au pouvoir ! D'ailleurs, certains sujets abordés comme celui de la fraude fiscale et de l'argent planqué en Suisse entrent en résonance avec notre époque et nous laissent penser que l'on n'est pas près de résoudre ces problèmes certainement immuables.
Là-dessus, se profile aussi le pire (à l'origine du titre) : la montée du fascisme et du nazisme, deux bêtes noires qui prennent racine et qui vont bientôt produire l'inimaginable.
Heureux ceux qui n'ont pas encore lu cet ouvrage ! Comme je vous envie !

Quant à moi, il me reste à attendre le prochain… Que le temps va me sembler long avant la parution du tome III !

5 commentaires:

  1. Et pourquoi ne pas lire le premier en attendant le troisième ? Ne pas le faire c'est se priver d'un grand plaisir !

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  2. Ne t'inquiète pas, Mary, j'en ai bien l'intention! Je ne vais effectivement pas me priver de ce plaisir!

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  3. J'ai préféré de loin "Au revoir là-haut". Assurément un bon moment de lecture avec les personnages de Paul et de la cantatrice qui me sont les plus sympathiques. Moins marquant donc que le premier.

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  4. J'ai jubilé moi aussi, dès la première scène d'anthologie ... Ah ça, il sait vous attraper le Lemaitre ! et jusqu'aux dernier personnage secondaire : l'aarivée de Vladi, très drôle et du pur romanesque, jusqu'au bout ...

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