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mardi 18 mai 2021

Une Fêlure d'Emmanuel Régniez

Éditions Le Tripode
★★★★★

Les textes d'Emmanuel Régniez sont fascinants. Tous. Et je dis fascinants parce que l'on plonge dans un univers qui est le nôtre sans l'être vraiment. Les contours sont flous, les mots font peur. On voit trouble et l'on sent obscurément que derrière leur allure anodine, se dissimule le pire, le gouffre dans lequel on va plonger. Alors, on les lit lentement ces mots. Ils sont si beaux, tout est si beau. Tenez, dans ce dernier roman « Une fêlure », il a l'air tellement heureux ce petit garçon. Il est doux, gentil, ses parents l'aiment et le ciel est bleu. Le monde est parfait, bien lisse, satiné. On l'envie même cet enfant aux parents bienveillants qui ne se disputent jamais. Des parents qui lisent, qui font « bibliothèque commune », qui emmènent leur petit chéri tous les samedis à la librairie. Et il choisit ce qu'il veut, et les parents aussi achètent des livres et le soir, tandis qu'ils sont couchés, l'enfant entend ses parents parler et se dire : « Je te conseille celui-là » et la mère répond « Je te conseille celle-là ». Peut-être parle-t-elle d'une bande-dessinée. Le père conseillera au fils la lecture de Proust. Mais pour plus tard. Chaque chose en son temps. Il ne faut rien précipiter au risque de faire entrevoir à l'enfant chéri que la vie peut être autre chose. Plus tard. Il a bien le temps de se confronter au monde. Il vaut mieux qu'il reste dans son cocon de ouate, dans son petit nid de coton tout chaud, tout beau, tout calme. Si silencieux. Si paisible.

Et pourtant ce titre « Une fêlure ». Quelle fêlure ? Ce monde idéal, parfait, merveilleux peut-il se fissurer, se fracturer, s'ouvrir ? Non, n'est-ce pas, dites-moi que non…

Je vous invite à découvrir les œuvres d'Emmanuel Régniez (l'admirable « Notre Château », « MadameJules »), des petits récits dont l'atmosphère étrange et onirique vous enveloppe progressivement jusqu'à ce que soudain, leurré par des mots simples, doux, soyeux, vous compreniez que vous avez basculé dans le pire, l'insoutenable. Mais il n'est plus temps de vous relever. Vous y êtes. Et le texte hantera désormais votre esprit. Je vous aurai mis en garde… On n'entre pas impunément dans un texte d'Emmanuel Régniez… Vous êtres prévenu.


 

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