Éditions de La Martinière
Arte Éditions
Si l’on a tous lu un roman de
Jack London (1876-1916) : L’Appel
de la forêt, Croc-Blanc
ou Martin Eden, finalement, on
connaît mal l’écrivain, un géant à la « Hugo » dirais-je, dans la
mesure où il a assumé de multiples fonctions, se lançant corps et âme dans la
vie, dans l’action, sans compter, ne s’épargnant aucune peine, vivant
pleinement ce qu’il lui était donné de vivre et repoussant sans cesse les
limites pour aller toujours plus loin : « J’aimerais mieux être un
météore superbe, et que chacun de mes atomes brille d’un magnifique éclat,
plutôt qu’une planète endormie. La fonction propre de l’homme est de vivre, non
d’exister. Je ne perdrai pas mes jours à essayer de prolonger ma vie. Je veux
brûler tout mon temps. »
Et c’est ce qu’il fit. .
A elle seule, sa vie fut un roman
ou des romans : il suffit d’ouvrir ce magnifique album pour découvrir une
carte en double page qui pointe tous les lieux qu’il a traversés à une époque
où les voyages n’étaient pas monnaie courante. Il fut, et je pèse mes mots, un
véritable aventurier, un explorateur hors pair, un homme doué pour les grands
espaces, passionné par le monde, un homme qui n’avait peur de rien et qui a
bien failli mourir à de nombreuses reprises.
J’ai rencontré quelqu’un que je
ne suis pas près d’oublier…
Il naît en 1876 et passe son
enfance dans les quartiers pauvres de San Francisco. Il ne connaît pas son père
et sera élevé par un certain John London qui reconnaîtra l’enfant. Pour aider
sa famille, vers l’âge de dix ans, Jack exerce des petits boulots :
vendeur de journaux, livreur de glace, balayeur. A quatorze ans, il arrête
l’école car son père se trouve dans l’incapacité de travailler. Il est embauché
à la conserverie Hickmott d’Oakland. Il lui arrive de travailler vingt heures
d’affilée. Il aime traîner sur le port, rencontrer les marins. Il admire les
pilleurs d’huîtres, ce qu’il devient rapidement ! Il boit ce qu’il gagne
dans les tavernes et finit par tomber à l’eau complètement saoul. Il sera sauvé
in extremis par un marin…
Abandonnant son rôle de
« voleur », il accepte un poste à la patrouille de pêche qu’il laisse
pour devenir…« vagabond du rail », se lançant à travers le pays,
accroché sous les wagons des trains de marchandises. Non, non, on n’est pas
dans un roman mais dans la vraie vie ! Ah, ce n’est pas de tout repos un
fils comme ce gaillard-là !
Après la terre, c’est la mer
qu’il veut affronter et il s’engage comme marin à bord d’un trois-mâts, la Sophia Sutherland. Pour celles et ceux
qui ont lu Le Grand Marin de
Catherine Poulain, il est inutile que je précise à quel point la vie en mer est
un monde dur où il faut savoir s’imposer ! Cinquante et un jours de
traversée du Pacifique pour atteindre les îles Bonin. De là, remontée vers la
mer de Bering et lutte terrible avec un… typhon, rien que ça ! Pendant trois mois,
il chasse le phoque.
A son retour, et poussé par sa
mère, il écrit sa première nouvelle en s’inspirant de son voyage afin de
participer à un concours organisé par un journal : « Un typhon au large
des côtes du Japon » remportera le prix : ce sera son premier texte
publié !
Il se fait ensuite embaucher dans
une fabrique de jute puis va pelleter le charbon dans une centrale électrique.
Il se sent exploité par les plus riches et pour manifester sa colère, il se
joint à la marche de protestation constituée de chômeurs qui se dirigent vers
Washington…
« J’étais né au sein de la
classe laborieuse, et, âgé maintenant de dix-huit ans, ma situation était
encore pire que lorsque j’avais débuté. J’avais dégringolé tout en bas de la
société, dans les profondeurs souterraines de la misère. »
Rentrant chez lui, il est arrêté
pour vagabondage puis incarcéré. Relâché, il visite les villes de l’Ouest puis
rentre en passant par le Canada, se cachant dans les wagons à bestiaux : « Je
voyais le spectacle de l’abîme social aussi nettement que s’il s’était agi de
quelque chose de concret. Et j’avoue que j’ai été pris de terreur. »
Il décide enfin de reprendre ses
études et s’inscrit au lycée puis prépare son entrée à l’université de
Berkeley : il lira Marx, Darwin et se découvrira « socialiste ».
Hélas, pour subvenir à ses besoins, il doit
travailler dans une blanchisserie. Il rentre chaque soir tellement épuisé qu’il est incapable d’étudier…
C’est en juillet 1897 qu’il se
lance dans une nouvelle aventure : la ruée vers l’or dans le Klondike où
une nuit équivaut à « quarante jours dans un réfrigérateur ».
Lorsqu’il reviendra du
Grand-Nord, il décidera d’écrire mille mots chaque matin et s’y tiendra… toute
sa vie !
Et, croyez-moi, nous ne sommes
qu’au tout début d’une existence extraordinaire que je vous laisse découvrir et
qui nous est présentée de façon très claire et extrêmement bien documentée dans
ce magnifique album au titre évocateur : Les vies de Jack London.
Ce qui est absolument fascinant,
dans cet ouvrage, c’est l’iconographie d’une diversité et d’une richesse
incroyables et notamment des photos prises par London lui-même lorsqu’il fut
journaliste-reporter ou correspondant de guerre car il a aussi exercé ces métiers !
Ce sont des photos d’une force inouïe : miséreux devant l’Armée du Salut à
Londres, troupes japonaises en Corée, tremblement de terre à San Francisco. Les
formats double-page sont à couper le souffle !
J’ai beaucoup aimé aussi les
reproductions des couvertures très stylisées, façon « art nouveau » des
premières publications de London : de vrais bijoux.
A cela s’ajoutent des cartes qui
permettent de visualiser parfaitement les déplacements de l’écrivain à travers le monde.
Je ne peux que vous recommander cet
ouvrage que j’ai lu comme un véritable roman d’aventures : Les vies de Jack London n’est pas
un album qui se feuillette : c’est un livre qui se lit, qui se déguste et
je me retenais de tourner les pages à l’avance pour avoir le plaisir de découvrir
au fur et à mesure de ma lecture ces photos admirables et si fortes…
Encore une chose : pour les
amateurs d’Histoire, c’est aussi toute une époque que l’on découvre : des
débuts de l’industrialisation américaine aux premiers pas du cinéma qui, bien
sûr, passionnera l’écrivain curieux de tout.
Un indispensable !
je vais peut-être me laisser tenter, je connais très mal cet auteur donc, une bonne manière de me plonger dans l’œuvre, anniversaire oblige..
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