Éditions fleuve noir
Pauvre
famille (la mienne) qui a vécu trois jours (de vacances) avec un
être (moi-même) absent. Totalement absent. Là mais pas là. Ici
mais ailleurs. Où donc alors ? Eh bien... aux côtés d'Abigaël
Durnan, l'héroïne du dernier roman de Franck Thilliez :
Rêver !
Que
je vous parle d'elle d'abord : dans le prologue bien mystérieux
où nous la découvrons, elle se pose la question suivante :
« Alors, lavoir en flammes, ou rêve d'un lavoir en flammes? ».
Pourquoi
cette question, me direz-vous ? Parce que notre éminente
psychologue au service de la police est narcoleptique .
Concrètement, cela signifie que lorsqu'elle a réuni toute son
équipe de dix gendarmes pour un dernier bilan concernant l'enquête
sur les enlèvements d'enfants, elle tente soudain de réprimer
quelques bâillements et finit par quitter la table de réunion un
petit quart d'heure pour … aller dormir !
Les
gars de la section de recherche sont habitués, ils la surnomment
« Tsé-Tsé » et attendent sagement son retour !
Évidemment, cela fait sourire mais vu ses compétences, on préfère
ne rien dire. Une fille comme elle, on ne peut vraiment pas s'en
passer : en trois ans, elle les a aidés à résoudre six
affaires de disparitions et de meurtres...
Et
pour l'enquête en cours, le temps presse : un homme qu'ils ont
surnommé Freddy par référence à Freddy Krueger, le croquemitaine,
a enlevé trois enfants. Alice, Victor et Arthur ont disparu et cela
fait neuf mois que cette affaire fait les gros titres de la presse.
La tension est palpable : il faut des résultats. Impossible de
trouver un point commun entre ces enfants. L'enquête piétine
lamentablement.
En
plus, à l'horreur des enlèvements, Freddy ajoute une insoutenable
mise en scène : il fabrique un épouvantail avec les vêtements
lacérés de coups de griffes et tachés de sang de sa victime
précédente. La douleur des familles est insondable. Il faut agir et
vite.
Alors,
lorsque le père d'Abigaël contacte sa fille pour lui proposer de
l'emmener avec Léa, sa petite-fille au Center Parcs d'Hattigny, on
ne peut pas dire que notre enquêtrice soit très enthousiaste :
elle aurait préféré rester à réfléchir devant les photos des
enfants qu'elle a punaisées sur le mur pour faire le point, mieux
visualiser la situation. Mais bon, elle voit si rarement son père
qu'elle préfère ne rien dire, demande à sa fille de faire sa
valise et, alors que la voiture démarre, ne tarde pas à s'endormir…
Et là, c'est le terrible accident, l'horreur, le pire très
certainement ...
Impossible
de lâcher un tel roman, impossible de ne pas suivre Abigaël dans sa
lutte acharnée contre sa maladie, la narcolepsie, qui la fait
sombrer régulièrement dans le sommeil, l'amenant même à confondre
rêve et réalité. « Pour la plupart des gens, le rêve
s'arrête au réveil. Mais pour moi, distinguer le rêve de la
réalité est devenu chaque jour plus compliqué. Car ces derniers
temps, même éveillée, je dois sans cesse m'assurer que je ne rêve
pas. Etre bien certaine que, ce que mes yeux voient, ce que mes
oreilles entendent EST la réalité. » A cela s'ajoutent de
terribles pertes de mémoire, des crises de cataplexie régulières
(« pertes instantanées du tonus musculaire à n'importe quel
moment de la journée, sans altération de la conscience ») et
parfois même des hallucinations hypnagogiques. Quand des images de
rêves viennent se superposer à la réalité...
Va-t-elle
pouvoir échapper à la folie et mener correctement son enquête dans
ces conditions ? L'empathie que nous ressentons pour cette
femme en détresse nous lie pieds et poings à ce roman labyrinthique
et vertigineux dont la construction non chronologique brouille nos
repères, accentue et multiplie nos doutes, nos interrogations. Comme
Abigaël, les nerfs à vif, nous tentons de reconstituer le puzzle,
pièce par pièce, plongés dans un univers où le réel et le rêve
cohabitent pour mieux nous perdre ...
Pas
facile de reprendre contact avec le monde qui nous entoure après une
lecture si haletante qui, contrairement à ce que vit la pauvre
Abigaël, m'a tenue parfaitement éveillée et dans une tension
extrême bien tard dans la nuit…
Une
vraie réussite!
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