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vendredi 16 décembre 2016

La douleur porte un costume de plumes de Max Porter


   Éditions Seuil

Trois voix : Papa, les garçons, Corbeau.
Maman vient de mourir, Papa est « aussi vidé qu'un pendu », détruit, anéanti. Les garçons n'y comprennent rien.
Devenus orphelins, ils proclament : « Nous remplirons cette maison de livres et de jouets et nous sangloterons comme si on nous avait oubliés à la garderie. »
Elle n'est plus là et le père hurle de douleur : « Elle me manque tant, c'est une immense stèle d'or, une salle de concert, un millier d'arbres, un lac, neuf mille bus, un million de voitures, vingt millions d'oiseaux et plus encore. La ville entière est ce qu'elle me manque. » Hyperboles de douleur. Il regrette « la dentelle délicate de nos chamailleries ». Et les garçons ont remarqué : « Papa nous racontait des histoires et les histoires ont changé quand papa a changé. »
Mais, la porte s'ouvre et l'oiseau de malheur entre. CHHHHHHHHHHT. Que vient-il faire ? Non, l'oiseau, c'est complet, il n'y a plus de place pour le malheur, il s'est répandu partout : sous les lits, sur le canapé, dans l'air : ils le respirent le malheur, l'oiseau, laisse-les tranquilles. « Chaque surface Maman est morte, chaque feutre, tracteur, manteau, botte, tout couvert d'une pellicule de douleur. » Va-t-en l'oiseau, laisse-les en paix...
Mais l'oiseau murmure à l'oreille de Papa : « Je ne partirai pas tant que tu auras besoin de moi. », il soulève la couette et fait « un baiser eskimo » et « un baiser papillon » à Papa endormi. Le Corbeau, le méchant Corbeau, vient panser les plaies, soigner le corps et l'âme, offrir « une petite pause dans le chagrin. » Il murmure à Papa : « Je te donnerai de quoi occuper tes pensées. »
Mwolloooa, mwolloooa, a-t-il ajouté.
Etrange et irrésistible roman-fable ou poésie-théâtrale qui met en scène un corbeau « psychanalyste » et « baby-sitter » (pratique non?), qui s'installe dans la maison et « feuillette des livres d'images et des recueils de poèmes » et surtout veille sur le Papa et les petits, une espèce de corbeau-poule (si,si!) qui raconte des histoires sans queue ni tête, ni bec ni ongles et qui joue avec les mots, dans des termes parfois un peu vulgaires, souvent poétiques et si tendres. Mots qui apaisent et qui soignent. On se sent à la fois chez Ionesco et les surréalistes. Le rire est toujours à portée de main même quand l'émotion nous anéantit.
Étrange petit texte qui gagne à être lu et relu (signe d'une grande richesse) et à être dit peut-être aussi car les voix s'entremêlent, et se croisent, se superposent et se méditent.
L'oiseau de malheur apporte la paix, fait diversion, amuse les garçons.
Accueillez-le, écoutez-le. Il donne de bons conseils. Il dit : « Soyez sage et écoutez les oiseaux. »
Il sait partir quand il est temps.

Croyez-moi, on a tous besoin d'un corbeau chez soi !

                        

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