Éditions Buchet Chastel
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Il
est prof, divorcé, fatigué, se dit « affadi ». Il a 58
ans, des filles adultes, des soirées solitaires. Il n'aime ni le
sport, ni les clubs de machin-chose, ni les réunions.
Il
s'appelle Louis Claret et n'a aucune envie de se rendre à ce
vernissage auquel il a été invité, mais son appart' est mal
chauffé et il espère se bourrer de petits fours. Au moins, il aura
mangé.
C'est
l'expo de peinture d'un ancien élève, Alexandre Laudin, un gars
timide dont il n'a que très peu de souvenirs. Dire qu'il aime ses
tableaux est un bien grand mot. Il s'oriente discrètement vers la
sortie quand le peintre s'approche de lui.
« J'avais
échangé quelques phrases avec une célébrité. Je m'apprêtais à
me nourrir aux frais d'une équipe municipale pour laquelle je ne
votais pas. Faste soirée. »
Louis
Claret est un mec sans illusions.
« Je
suis le maître d'un monde flottant. Je me laisse dériver et
advienne que pourra. J'ai cherché à profiter du jour présent
pendant des décennies sans jamais y parvenir, et j'y suis arrivé
par inadvertance, une fois la cinquantaine passée. Je vis dans une
atonie ironique. Mes collègues me trouvent en général sympathique
et jovial. Les plus jeunes se moquent mais avouent à demi-mot qu'ils
aimeraient bien tenir la forme que j'ai quand ils
auront mon âge. Le seul ennui, au fond, c'est que rien, jamais, ne
me touche plus. »
Quelque
temps plus tard, un coup de fil. C'est Laudin. Il veut revoir Claret,
son ancien prof. « Demain ? » Ok pour demain, répond
Claret un peu surpris et un brin embêté, pour être poli. Qu'est-ce
qu'il veut le Laudin, qu'est ce qu'ils pourront bien se raconter ?
Claret
retrouve son élève dans un loft un peu froid. Laudin lui montre un
tableau : ses parents. « -C'est terrible »
constate Claret.
Soudain
il devine : « Vous voulez faire mon portrait ? »
C'est
ça, il veut faire le portrait de son ancien prof. Il le prévient
tout de suite : il ne travaille pas sur photo : Claret va
devoir rester un certain temps immobile. Ils pourront discuter, ce
n'est pas gênant.
« Je
sais que je vais dire oui. » pense Claret.
Et
c'est ce qu'il fait.
« La
litanie des surprises que l'existence nous réserve. Je n'avais pas
prévu de rester ancré dans cette ville de province. Ni de devenir
un des dinosaures de l'établissement où j'enseigne. Ni d'avoir des
filles. Ni qu'elles vieillissent. Ni qu'elles s'en aillent. Ni de
divorcer. Et encore moins de me retrouver accoudé au balcon de la
chambre d'un ancien élève, clope au bec, frissonnant dans cette
mi-novembre grise. »
Parfois,
dans la vie, on est amené à vivre des situations étranges,
incongrues, ridicules même. On se demande ce qu'on est allé faire
dans cette galère. Et puis, finalement, l'expérience se révèle
plutôt étonnante, on découvre que celui qu'on prenait pour un
abruti est finalement assez drôle et plutôt sympa. On n'est pas
trop mal avec lui. Le temps passe plus vite. Il nous a fait dévier
de notre train-train, nous a poussés vers des lieux où l'on
n'aurait jamais mis les pieds. Et nous nous découvrons nous-mêmes
différents de ce que nous pensions. Il suffit finalement que notre
trajectoire soit légèrement déviée pour que notre perspective sur
le monde change.
C'est
ce que va vivre Louis Claret et j'ai beaucoup aimé la façon dont,
petit à petit, il va comprendre des choses qu'il n'avait pas
forcément bien perçues jusqu'à présent et prendre conscience de
ce qui est essentiel dans une vie…
J'ai
A-DO-RÉ ce roman : son personnage principal (bon, c'est vrai,
on a pas mal de points communs…), ses considérations sur les gens,
la vie, le temps qui passe, la façon dont on glisse doucement vers
quelque chose de plus profond, de plus grave, pour toucher l'émotion
pure. J'ai été très émue par ce texte et en même temps, j'ai
beaucoup souri car certaines répliques ou situations sont
franchement très drôles.
Un
très bon moment de lecture donc qui nous laisse, il est vrai, un
brin nostalgiques…
C'est
pas beau d'vieillir !
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