Éditions Gallimard
★★★★★ (J'ai adoré)
Elles
ont cinquante ans, elles étaient à la fac ensemble et elles se
retrouvent une journée d'été chez l'une d'entre elles pour parler
du passé…
Moi,
je lis ce petit résumé, je me jette littéralement sur le livre.
1.
Parce que j'adore les romans où il ne se passe rien ou pas
grand-chose, où les personnages sont autour d'une table et
discutent. Rohmer n'est plus, c'est dommage, c'eût été un bon
scénario de film pour lui.
2.
J'aime la dimension théâtrale de ce roman qui a un petit air
tchékhovien…
3.
Les personnages me ressemblent - c'est un peu nombriliste mais tant
pis, j'assume - je m'imagine très bien passer un été sous un arbre
à discuter de tout et de rien avec les copines de toujours. Si vous
ajoutez lectures et baignades, vous m'offrez le paradis…
En
plus, la fac qu'elles ont fréquentée est la mienne, les cours
qu'elles ont suivis ont été les miens à peu de chose près, les
livres qu'elles ont lus et qui demeureront à tout jamais leurs
références sont aussi ceux sur lesquels je m'appuie pour juger les
autres (Flaubert, eh oui, toujours Flaubert…), elles sont
enseignantes, comme moi (que faire d'autre après des études de
lettres modernes???) Bref, j'ai lu ce roman comme on se regarde dans
un miroir. C'est confortable, on a l'impression d'être précisément
sur la même longueur d'onde que l'auteur, d'avoir le même vécu. De
piger le plus petit sous-entendu. Pas besoin de notes en bas de page.
Et surtout… on a...
4.
le même humour ! Car, oui, c'est très drôle ! Imaginez
le personnage de Florence qui débarque de Paris, scrute la campagne
avec un léger dégoût, déteste les mouches qui piquent et les
maisons qu'on ne ferme pas à clef la nuit, déplore l'absence de
piscine (il fait très très chaud, l'orage se prépare), s'inquiète
de la trajectoire des avions au-dessus de sa tête « Muriel,
tu dois être sur le tracé d'une route aérienne. Ce n'est pas
gênant ? C'est embêtant quand même d'être sur le tracé
d'une route aérienne. Vous y avez pensé quand vous avez acheté
votre maison ? Moi, ça m'aurait fait réfléchir. »,
repense aux soirées en Italie avec son mari « Pourquoi
manges-tu tant de pain ? Il y a des pâtes. Tu n'as pas besoin
de pain avec tes pâtes », déplore les tatouages sur le
corps de son beau-fils...
Je
vous promets, mes copines ne sont pas aussi chiantes !
Quoique... (je plaisante...)
Et
puis, il y a Muriel, celle qui reçoit, qui a fait la salade
ananas-crevettes-avocat (hum, faudra que j'essaie…), elle ne va pas
fort… « Mais quelquefois, je reconnais, j'ai envie de
marcher ailleurs. Ouvrir le portillon et partir, juste partir, il y a
des tas de petites routes dans le coin que je ne connais pas et qui
sont près d'ici, des routes que je n'ai pas prises. C'est drôle. On
vit quelque part des années, et on ne sait pas vraiment où on
vit. »
Pauvre
Muriel, on a juste envie de la prendre dans ses bras et de la
réconforter…
Enfin,
il y a Anne, la discrète, celle qui a réussi sur le plan
professionnel, est devenue prof de fac. Bon, sentimentalement, il y a
des hauts et des bas…
Autrefois,
(c'est bien le mot qu'on emploie, non, pour parler du passé quand on
a 50 ans?), donc autrefois, elles avaient suivi le cours de Boulis
sur l'Éducation sentimentale…, l'amphi n'était pas
chauffé mais qu'est-ce qu'elles n'auraient pas fait pour assister au
cours de Boulis (d'ailleurs, Anne était amoureuse de lui...)
Autrefois,
en 81…, 1900…, elles étaient allées en Italie ensemble… Les
souvenirs sont là… La nostalgie à fleur de peau…
Depuis,
« elles avaient des milliers de fois mis la table,
débarrassé la table, secoué les miettes, mis la vaisselle dans la
machine, fait cuire du bifteck, acheté du Sopalin. »
Comme
c'est étrange, ça me dit quelque chose tout ça, une impression de
déjà vécu… Ah, vous aussi ?
Depuis,
elles avaient pris conscience que « ces hommes grisonnants
qui calculaient leurs points de retraite et qui ressemblaient à
leurs oncles étaient leurs maris. »
Depuis,
elles ressemblaient de plus en plus à leurs mères (enfin, c'est ce
que disaient leurs maris pour être méchants). Mais c'était vrai.
C'est
le fils de Muriel qui aura le dernier mot de l'histoire : il
appelle par Skype sa petite copine qui est à l'autre bout du monde
et lui dit : « J'ai passé la soirée avec des
amies de maman, deux vioques plutôt sympas. »
Bon,
si on reste sympa même en étant « vioque »,
c'est déjà pas mal, hein ?
Faut
bien se consoler comme on peut...
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