Éditions Albin Michel
★★★★★ (J'ai adoré)
Si
l'on m'avait dit que lire une histoire de sainte me mettrait dans un
tel état, je n'y aurais pas cru. Eh bien, c'est chose faite avec
Bakhita qui a littéralement épuisé ma réserve de
mouchoirs en papier. Attention, il n'y a aucune ironie dans mes
propos et je ne veux pas dire que c'est un livre à l'eau de rose,
mélo à souhait, non, pas du tout, Bakhita est tout
simplement un texte magnifique, d'une pure beauté, à l'image de la
femme dont il peint la destinée. C'est un roman qui m'a complètement
transportée, profondément bouleversée grâce à la langue de
Véronique Olmi qui a su exprimer à la fois avec beaucoup de
puissance et beaucoup de pudeur toutes les souffrances de Bakhita et
la terrible et semble-t-il infinie violence des hommes.
Il
est d'ailleurs difficile d'imaginer toute la violence que peut subir
une jeune esclave enlevée enfant à sa famille habitant un petit
village du Darfour, vendue par les uns, achetée par les autres,
violée, battue, mal nourrie, assoiffée, obligée de marcher
enchaînée sur des kilomètres en plein désert, de dormir au sol
piétinée par des bêtes, contrainte d'assister à des scènes
insoutenables de torture ou de meurtre et de se séparer toujours des
êtres auxquels elle parvient à s'attacher.
Une
vie en forme de chemin de croix...
La
mort à côté est presque un soulagement, mais de la mort, Bakhita
(« la chanceuse » surnommée ainsi par ses ravisseurs
musulmans - quelle ironie !) n'en veut pas et toujours, elle
s'accroche à la moindre petite étincelle qui la retient à la vie,
aussi ténue soit elle.
Ces
moments fugaces où elle regarde le ciel, la lune, les étoiles,
contemple la beauté du monde, repense à sa famille, celle qui lui a
donné un nom maintenant oublié, sont magnifiques et très
émouvants. Purs moments de grâce, petites fenêtres qui lui
permettent d'échapper par l'esprit, très ponctuellement, à l'enfer
de sa vie, à l'inhumanité qui fait son quotidien. Quelle fascinante
force mentale...
C'est
en visitant l'église Saint-Jean-Baptiste à Langeais, ville près de
laquelle Véronique Olmi possède une maison, que cette dernière
découvre, à travers quelques photos, Bakhita.
Elle est littéralement happée par ces portraits au point qu'elle abandonne le livre qu'elle était en train d'écrire et se lance dans des recherches qui vont la conduire à la rédaction de ce très beau roman.
Elle est littéralement happée par ces portraits au point qu'elle abandonne le livre qu'elle était en train d'écrire et se lance dans des recherches qui vont la conduire à la rédaction de ce très beau roman.
Bakhita
née et enlevée au Darfour en 1876 finira par échapper à ses
nombreux tortionnaires en étant achetée par le consul italien de
Khartoum, Calisto Legnani, qui va l'emmener en Italie où, après
moult péripéties (car être noire en Italie, à cette époque,
c'est être le diable), elle deviendra religieuse. Elle sera
canonisée le 1er octobre 2000 par Jean-Paul II.
Ce
roman fait ainsi le portrait d'une femme inoubliable, pleine
d'humanité, dévouée corps et âme aux autres, se donnant sans
compter jusqu'à la fin de son existence. C'est aussi une femme
immensément amoureuse de la vie, ce qui lui a donné cette force
extraordinaire, cette capacité de supporter la douleur, la
souffrance.
Bakhita
est aussi un livre qui nous rappelle que l'esclavage existe encore,
que ce qu'a vécu cette femme, certains (es) - et ils/elles sont
nombreux(ses) : quarante-six millions de personnes dans le
monde ! - le vivent aujourd'hui, ne l'oublions surtout pas.
Enfin,
Bakhita est aussi l'histoire d'une époque terrible -
finalement, toutes les époques ne le sont-elles pas ?- où se
mêlent esclavage, colonialisme, racisme, nazisme, fascisme et la
pauvre Bakhita, à peine sortie de l'horreur la plus complète,
replonge dans la Seconde Guerre Mondiale et ses conséquences
désastreuses. Elle a à peine le temps de respirer un peu que le
pire, de nouveau, est là. Quel destin terrible...
Pour
moi, tout ça vaut bien un prix Goncourt, non ?
Tout le monde en parle, ma Petite Maman vient de l'acheter, elle me le prêtera donc.
RépondreSupprimerJe pense que tu aimeras.En tout cas, prépare tes mouchoirs!
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