Éditions du Rouergue
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Voici
un texte comme je les aime, tout en tensions, en non-dits et en
silences : Danielle, neurologue à la retraite, invite chaque
été son fils, psychiatre divorcé et son petit-fils, brillant
étudiant, à venir passer quelques jours dans sa très belle villa
de Sanary-sur-Mer.
Est-ce
parce qu'elle a bien conscience que chacun s'y ennuie un peu, est-ce
parce qu'avec l'âge, les tâches matérielles lui pèsent de plus en
plus ou bien, en tant que scientifique bien persuadée que tout n'est
chez l'être humain que « connexions électriques »
et « échanges chimiques », souhaite-t-elle
malicieusement se livrer à une expérience ? En tout cas, cet
été, Danielle a engagé une jeune femme, Prisca, comme employée
de maison.
« Elle
avait donc eu envie de mettre un terme à sa routine. Cette année-là,
l'approche des vacances à Sanary, au lieu de la réjouir, l'avait
pendant un temps angoissée. Elle s'était mise à redouter la
répétition à l'identique des repas taciturnes, des promenades
moroses et des soirées sans enthousiasme… Elle voulait que ça
change. »
Or,
cette jeune femme, ni belle ni laide, à la fois discrète et
sensuelle, polie et distante, va petit à petit devenir le centre de
l'attention des membres de cette petite famille frustrée, coincée
et mal dans sa peau, les conduisant, bien malgré eux à s'interroger
sur ce qu'ils sont vraiment, ce qu'ils attendent de la vie et la
façon dont ils définissent le bonheur.
Cette
jeune personne un peu mystérieuse va, comme dans une expérience
chimique, leur servir de révélateur, jouer le rôle de l'élément
perturbateur, les plaçant dans une position assez inconfortable,
remettant en question, sans le vouloir, des années d'habitude et un
mode de vie, de pensée, réglé au millimètre près.
Et
s'il suffisait, dans ce bel agencement, de simplement déplacer un
vase pour que tout soit remis en question et que chacun se sente
déstabilisé ? Parfois de petits gestes produisent de vrais
tremblements de terre...
J'ai
beaucoup aimé ce court roman où chacun s'observe, s'épie
silencieusement, s'interroge, se remet en question. Traversant tant
bien que mal les chaudes journées d'été, les personnages, peu
enclins à parler de leurs propres émotions, vont se livrer un peu
malgré eux à une profonde et assez douloureuse introspection. Leur
regard sur eux-mêmes et sur le monde va évoluer lentement et ils ne
sont pas près d'oublier ce qu'ils vont vivre cet été là.
Une
mer d'huile est un roman d'atmosphère : on ressent
physiquement la chaleur écrasante du soleil, le malaise
psychologique des personnages se débattant dans leur mal-être,
tentant de résoudre leurs conflits internes sans quitter des yeux la
fascinante Prisca dont la présence finit par leur être
indispensable.
Mais
où va les conduire cette étrange relation ? Vont-ils être
capables d'y mettre un terme à temps ? Comment va s'achever
cette étrange expérience scientifique ?
Un
huis clos étouffant sous un soleil de plomb qui rappelle
l'atmosphère des tragédies grecques où tout est calme en apparence
mais où l'on sent que la tension et un certain malaise montent à
chaque page tandis que les protagonistes vivent une véritable
tempête sous un crâne.
Fort
et troublant !
Tout au long de ton billet, je me disais "pourquoi pas?" et là, bam ! les tragédies grecques ! du coup je passe du "pourquoi pas" à "il me le faut"
RépondreSupprimerAriane
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerSi maintenant, je supprime mes propres commentaires... on est mal! Mauvaise manip' Je voulais juste te dire, Ariane, qu'il y a dans ce texte une certaine tension et donc du suspense... Tu verras, on se demande vraiment où tout cela va nous mener... au pire, peut-être ou peut-être pas... CHUT!
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