Éditions Finitude
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Prêts
pour l'aventure ? Alors, embarquez-vous avec Pouchet (oui oui,
comme l'auteur), sur le Seine Princess. Pour aller où ?
Pour descendre la Seine, de Paris à Honfleur en passant par
Bonsecours, Haute-Normandie. Car à Bonsecours, figurez-vous qu'une
pluie d'oiseaux morts vient de s'abattre sur la ville et notre ami
Pouchet (vous verrez, il est très attachant cet homme-là) est très
intrigué par le phénomène.
Ah bon, pourquoi ?
Parce qu'il est
originaire de Bonsecours, alors cette affaire le touche
(contrairement au reste du monde qui n'en a rien à faire), peut-être
aussi parce qu'enfant, il a eu un perroquet nommé Alfred, ce qui l'a
sensibilisé à l'ornithologie et puis, au fond, ça fait longtemps
qu'il n'a pas vu son père et ce serait l'occasion de resserrer les
liens comme on dit. Enfin, il doit travailler ses cours et il n'en a
pas vraiment envie…
Cela
fait donc au moins quatre bonnes raisons de s'intéresser à cette
chute d'oiseaux morts, alors, il embarque pour mener son enquête :
et si c'était l'apocalypse, la fin du monde ? Qui sait ?
Peut-être y a-t-il urgence ? Pouchet le sauveur de l'humanité,
le super héros des temps modernes… Suivons-le !
D'abord,
des pluies d'animaux, il y en a plein la Bible : des
grenouilles, des taons, des sauterelles, cailles et autres bestioles
en tous genres tombent du ciel… et autant le dire tout de suite, ça
n'annonce rien de bon. Un signe ? s'interroge Pouchet (ce nom me
fait toujours penser à Pécuchet ). Une piste ? Qui
sait ?
Pris
en charge par Suzanne, la « commissaire de bord »,
notre aventurier, « de 40 ans au moins le benjamin »
de toute la petite troupe, découvre les activités proposées par la
compagnie maritime, grignote quelques viennoiseries, discute avec
Jean-Pierre, ingénieur dans l'armement, qui lui fait un exposé
détaillé sur le « Pigeon Project » (ou comment
on avait imaginé utiliser des pigeons pour guider les missiles pendant la guerre)
et regagne le pont afin d'observer les usines produisant des fumées
capables de tuer quelques milliers d'oiseaux innocents.
La pensée de
Pouchet s'égare, il repense à son enfance, à ce qu'il est
devenu...
La
croisière prend son temps et dans sa cabine, notre enquêteur ouvre
un à un les nombreux
livres qu'il transporte (Livre des damnés de Charles
Hoy Fort, Histoire naturelle de Pline...), recopie des
passages dans son cahier, et sombre dans le sommeil, « état intermédiaire entre le positif et le négatif, le réel et
le néant ».
Il
n'ira pas visiter Giverny ni écouter la conférence sur « le
tournant impressionniste », en revanche, il
boira quelques verres en écoutant l'impro du pianiste Cheval, ne
manquera pas d'embrasser Clarisse avant de s'abandonner au
refuge-sommeil dans sa cabine n°313.
E
la nave va...
Entre
lectures et déambulations, errements et divagations, Pouchet, qui
n'est ni ornithologue ni touriste, espèce de « guignol
égaré dans un voyage organisé sur la Seine pour sauver l'humanité
courant à sa perte », avance
vers un avenir incertain (la fin du monde ?) et un passé qu'il se
réinvente au gré de son imagination et de sa douce folie, se
trouvant un ancêtre célèbre : un Pouchet, un Félix-Archimède
Pouchet (et j'ai vérifié - moi aussi je mène mon enquête! - le fondateur du Muséum d'Histoire Naturelle de Rouen est bien un
certain Félix-Archimède Pouchet. De la famille de l'auteur ?
Qui sait ?)
Où
cette minutieuse enquête va-t-elle mener notre pauvre hère ?
Peut-être à l'essentiel… donner un sens à sa vie, se divertir en
offrant un peu de consistance à une existence bien
tristounette : « Cette série d'élucubrations
c'était sans doute la seule chose consistante que j'avais faite
depuis quelques années. «- A quoi as-tu
occupé ta jeunesse ? - J'ai rempli un cahier d'oiseaux morts. -
Ah, très bien. »
Ou
bien, est-ce le début de quelque chose de plus grave dépassant
notre pauvre personnage et nous concernant tous : une espèce de
menace qui s'appelle la disparition des espèces...
J'ai
aimé le ton à la fois mélancolique et ironique de ce roman, qui
met en scène un voyage insolite, absurde, une espèce
d'embarquement, métaphore d'une quête intime, de soi et du père,
un retour vers le passé, vers l'enfance d'un homme (double de
l'auteur ?) qui, ne sachant plus très bien où il en est et se voyant
chuter (comme les oiseaux), se lance corps et âme dans un
« river-trip normand » - est-il nécessaire
d'aller bien loin pour se trouver ? - qui lui permettra
peut-être de mieux se relever, de mieux repartir pour affronter la
vie et « les ennemis de ses prochains duels ».
Un
très beau texte sensible, drôle et plein de poésie ...
A
ne pas manquer...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire