Éditions Viviane Hamy
traduit du hongrois par C. Philippe
★★★★★ (J'ai adoré)
De
certains livres, on sait qu'on ne les oubliera jamais...
Pour
moi, Abigaël fait partie de ceux-là, de mes livres
cultes qui ont ce quelque chose de fascinant, de mystérieux, de
grave qui les place au-dessus des autres.
C'est
pour le 100e anniversaire de la naissance de Magda Szabó
(1917- 2007) que les Éditions Viviane Hamy publient ce roman
d'initiation devenu un classique beaucoup lu en Hongrie, notamment
par les jeunes, et pour la première fois traduit en français.
Peut-être
connaissez-vous du même auteur La Porte, prix
Fémina étranger en 2003 ? Si ce n'est pas le cas : courez
chez votre libraire !
Dans
Abigaël, nous sommes à Budapest pendant la Seconde
Guerre Mondiale. Georgina Vita, jeune fille choyée et gâtée, mène
une existence heureuse avec son père, un général veuf qu'elle aime
d'un amour fusionnel, et Marcelle, sa gouvernante française obligée
de regagner rapidement son pays. Gina doit donc entrer en pension.
C'est la décision de son père et elle est irrévocable.
L'adolescente fait tout pour y échapper, propose de rester avec sa
tante Mimó qui s'occupera
d'elle. Elle refuse de quitter son lycée Atala Sokoray, toutes ses
amies et le jeune lieutenant dont elle est secrètement tombée
amoureuse. Non, ce n'est pas possible !
Mais
son père demeure inflexible et Gina ne comprend pas pourquoi cet
homme plein d'amour pour sa fille semble soudain vouloir l'éloigner
… A-t-il une maîtresse ? Oui, c'est sûrement ça, pense
Gina, il veut se remarier.
« Ne
dis au revoir à personne, amie ou connaissance, ni même au
personnel. Tu ne dois pas dire que tu quittes Budapest.
Promets-le-moi ! » lui souffle son père avant de la
quitter. Pourquoi tant de mystères ?
C'est
ainsi que Gina sera conduite à Árkod,
au Nord-Est du pays, au bout du monde pour elle et son nouvel
établissement scolaire, la sévère institution calviniste Matula,
l'effraie terriblement. « Massive, austère, blanche. Les
fenêtres sont petites, la porte cochère renforcée de ferrures, et
il y a des grilles aux fenêtres. Cet endroit doit être
très vieux et ne ressemble pas à une école, mais à autre chose. A
une forteresse. » On a envie d'ajouter : à une
prison !
Pourquoi
son père l'abandonne-t-il ainsi sans lui donner aucune explication ?
La
jeune fille est prise en charge par sœur Zsuzsanna, la préfète
d'internat, qui lui demande tous ses objets personnels avant de lui
remettre une triste blouse sans ornements…. C'est le désespoir !
Il
va lui falloir maintenant se faire de nouvelles amies, accepter des
jeux qui ne lui sont pas familiers, se plier à une discipline de fer
et à une vie austère dont elle n'a pas l'habitude.
À
la limite, Gina serait prête à faire un effort si au moins elle
savait pourquoi son père qu'elle aime tant la laisse seule et si
loin de lui.
Et,
croyez-moi, la jeune fille est loin d'être au bout de ses peines:
elle va devoir se plier à la vie en communauté, s'intégrer au
groupe des jeunes filles, accepter des règles très strictes,
apprendre à connaître et à respecter chacun de ses professeurs,
être capable de dépasser les apparences, cesser d'être une petite
fille fière, impatiente et capricieuse… autrement dit, grandir...
Pas
si simple !
En
est-elle capable ?
Et
si fuir s'avérait finalement être LA solution ?
Heureusement,
au fond du jardin, se cache une statue de jeune fille que tout
le monde surnomme Abigaël et qui a un don : oui, elle fait des
miracles, on peut lui confier ses peines sous forme de messages
écrits, elle fera tout pour réconforter, consoler, apaiser celle
qui souffre.
Mais
qui se cache derrière cette statue ? Qui est toujours là pour
soulager la peine des pensionnaires ? Qui est Abigaël ?
Encore un autre mystère…
Je
le dis clairement : ce livre est un pur délice, vous allez
partager le quotidien des Matuliennes, découvrir des personnages
fascinants, des portraits extraordinaires, il vous faudra tenter de
percer des mystères épais comme les murs de Matula !
Le
suspense omniprésent et l'intrigue captivante m'ont tenue éveillée
bien tard : j'ai adoré l'atmosphère mystérieuse et
inquiétante de ce livre, ce huis clos un peu étouffant
élèves/professeurs, l'évocation de la vie quotidienne dans ce
pensionnat et la présence angoissante de la guerre qui menace et se
rapproche chaque jour de Matula…
Mes
enfants auront eu leur Harry Potter, moi j'ai mon
Abigaël… et il est… génial !