Éditions Anne Carrière
Il est des livres pour lesquels
l’activité somme toute assez solitaire de la lecture ne convient absolument
pas. Et pourquoi donc, me direz-vous ? Eh bien, parce qu’on a envie de les
partager, là, tout de suite, d’en lire des passages, aux uns, aux autres, de
rire et surtout pas dans son coin, d’aller frapper chez le voisin ou chez un
cousin…
Roland est mort et j’ai bien ri.
Le petit roman rose m’a beaucoup amusée, beaucoup, beaucoup. Parce qu’il est
drôle, très drôle et terriblement humain : on rit là où l’on pourrait
pleurer et inversement.
Le sujet ? Le voisin du
narrateur est mort. Il s’appelait Roland. Quand la voisine est venue lui annoncer
la nouvelle, ledit narrateur l’aurait bien mise à la porte : « La
voisine du dessous vient toujours m’annoncer des mauvaises nouvelles. Elle me
parle des gens dans le monde qui n’ont pas de bras ni de jambes, qui font la
manche à la sortie du métro, des gens qui ont des maladies congénitales et qui
démarrent dans la vie du mauvais pied. Elle me parle des trous dans la couche
d’ozone et des vaches qui pètent au Paraguay. Elle me donne sa théorie sur le
désordre climatique, et même qu’il ne faut pas s’étonner si un jour il neige en
juillet. »
Et puis, de toute façon, la
voisine peut bien raconter ce qu’elle veut, il ne connaissait pas son voisin
vivant, alors, maintenant qu’il est mort... Sauf que, si les pompiers veulent
bien emmener le corps, ils ne prennent pas le caniche, enfin, la caniche,
Mireille (oui, je vais trop vite et j’ai oublié de vous dire que Roland adorait
Mireille… oui, Mireille Mathieu, souvenez-vous !)
Donc, je récapitule : Roland
est mort, on l’a retrouvé une petite semaine après, la tête dans la gamelle de
Mireille et personne n’est venu frapper à sa porte, personne n’a pleuré (sauf
la voisine, un peu), personne ne s’est inquiété, à une époque où on est tous
reliés : « Aujourd’hui on a la messagerie instantanée, son profil sur
des réseaux sociaux, sa tête au générique d’une téléréalité. On crée des
événements, des manifs, des flashmobs.
On se rassemble sur des places publiques, on se serre dans les bras, on se fait
des free hugs. Tout est mis en place
pour ne pas vous laisser la tête dans la gamelle du chien. » Et
pourtant ! Roland est mort et tout le monde s’en fout.
Ainsi, je récapitule de nouveau (c’est bien de
faire le point régulièrement pour que tout le monde suive), « Roland est
mort mais pas Mireille ». Alors, que faire de Mireille ?
L’étouffer dans un sac
plastique ? Pas pratique. La voisine du dessous ? Elle s’en fout !
L’employeur de Roland ? Il a d’autres chats à fouetter. La SPA ? Ça s‘fait
pas, comme disent mes élèves ! Les copains du bar ? A voir. Les
parents ? Vraiment tout fout l’camp ! La sœur ? Je reste polie. Alors qui ?
Bref, résumons : « Un
seul être vous envahit et tout est surpeuplé. » et puis, quand on est
seul, abandonné même, largué quoi, profondément malheureux et au chômage, on a
autre chose à faire que d’attendre que Mireille fasse sa crotte sur le
trottoir.
Il faut aller à Pôle Emploi par exemple,
prendre un ticket, attendre parmi les plantes en plastique, rappeler qu’on a
été formé dans un domaine précis, rencontrer un coach en développement
personnel, apprendre à respirer et crier en levant les bras : « La
vie est belle, j’aime la vie »
Ça ne donne pas de boulot mais ça
fait patienter…
« Je bois pour oublier que demain, Roland c’est
moi. » Je vous avais dit que parfois, ça vous serrait la gorge cette
petite histoire-là…
Un pur régal, un hymne à la vie, un regard percutant sur
notre société mal barrée et croyez-moi, je ne vous propose qu’une mise en
bouche parce qu’avec Roland, le pire est toujours sûr… enfin presque !
Roland est mort et j’ai bien ri !