Éditions Noir sur Blanc
★★★☆☆ (J'ai aimé, sans plus)
Trois
parties :
1.
Le prisonnier. Joseph Kamal se retrouve en prison après un
braquage qui a mal tourné. Non seulement il n'a plus de famille, il
vient de perdre son frère lors de ce hold-up, mais l'univers de la
prison ne lui épargne aucune violence physique ni aucune humiliation
morale. Son quotidien est un cauchemar, pire, un enfer : la
promiscuité avec les codétenus est une épreuve insoutenable.
2.
La catastrophe. Une explosion nucléaire a eu
lieu. « La moitié de l'Europe irradiée. La moitié de la
France évacuée. » Joseph Kamal a réussi à
s'échapper, il erre… (Partie de transition ?)
3.
Le solitaire. Décidé à rester dans la zone contaminée
pour éviter d'être repéré et éventuellement de nouveau arrêté,
Joseph Kamal découvre la solitude extrême dans la nature avec comme
seuls compagnons les animaux.
Bon,
il faut tout de suite que je vous avoue que je n'ai pas bien compris
le sens profond de l'oeuvre. Je suis donc allée écouter quelques
interviews de l'auteur ici et là sur la toile et… je reste
toujours aussi dubitative.
Que
dit l'auteur ? Elle explique qu'elle a voulu montrer que si
l'homme vivait difficilement avec les siens, il supportait aussi très
mal la solitude. Je suis bien d'accord, ça me paraît à peu près
évident, mais pourquoi avoir placé Joseph K. - tiens, ça me
rappelle quelqu'un! - en prison ? Un tel choix a certes le
mérite de proposer un symbole efficace de la condition humaine -
« l'enfer, c'est les autres », n'est-ce pas ?-
mais favorise-t-il l'identification du lecteur au personnage ?
Il est permis d'en douter. Et pourtant l'auteur dit vouloir nous
faire ressentir quasi physiquement ce que ses personnages vivent. Pourquoi alors ne
pas avoir placé Joseph Kamal dans un cadre plus banal, le coeur
d'une ville surpeuplée, par exemple, situation dans laquelle chacun
peut se reconnaître ?
Second
problème : l'organisation en parties bien distinctes :
j'ai eu l'impression d'une espèce de collage un peu artificiel, de
l'ordre de la démonstration - l'enfer de la
promiscuité/transition/l'enfer de la solitude - et tout cela m'a
donné le sentiment d'une mécanique un peu trop didactique.
Enfin,
pour ce qui est de la robinsonnade, Sophie Divry avoue s'être
inspirée du livre de Marlen Haushofer : Le Mur invisible,
formidable roman qui raconte l'histoire, sous forme de journal, d'une
femme qui, après une catastrophe mondiale, se retrouve seule dans un
chalet en pleine forêt, séparée du monde par un mur invisible.
Effectivement, les deux histoires sont proches et l'on sent très
clairement que Sophie Divry n'avait qu'une hâte : en venir à
cet épisode, le vrai coeur de son projet. Pour montrer quoi ?
Que
la solitude est difficile et que finalement, il vaut mieux vivre
parmi les hommes (même en prison) ? Je trouve que le lecteur
est laissé un peu à la surface des choses et dans l'impossibilité
de se saisir d'un indice qui lui permettrait de tenter une analyse,
de se lancer sur une piste philosophique, métaphysique…
Autre
élément qui m'a beaucoup gênée : le passage du « je »
au « il », du point de vue interne au point de vue
omniscient, ce qui produit un effet étrange. Je pense qu'il aurait mieux valu se décider pour l'un ou l'autre. J'ai
trouvé que ce « choix » relevait plus d'une hésitation.
Peut-être aurait-il été préférable d'opter pour un point de vue
omniscient afin d'éviter l'écueil du langage banlieue dont on sent
ici un peu l'artificialité...
Pour
conclure, je dirais que la très belle écriture poétique de Sophie
Divry ne m'a pas permis, cette fois, d'oublier totalement des partis
pris romanesques moyennement convaincants et un message qui m'a
semblé assez convenu.
Cela
ne va certainement pas m'empêcher d'attendre avec impatience son
prochain roman, car Sophie Divry a du talent, et ça, j'en suis bien
persuadée !
Lu dans le cadre du Prix Landerneau des lecteurs 2018
Lu dans le cadre du Prix Landerneau des lecteurs 2018