Éditions Grasset
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Qu'est-ce
que je me suis amusée à lire le dernier livre de Beigbeder !
J'ai trouvé qu'il illustrait parfaitement les fameuses phrases de
Woody Allen : « Tant que l'homme sera mortel, il
ne sera jamais véritablement décontracté. », ou « Je
n'ai pas peur de la mort mais quand elle se présentera, j'aimerais
autant être absent. »
Le
personnage principal, Frédéric, est animateur du « chemical
show » sur Youtube où il s'agit, après avoir demandé aux
invités de piocher au hasard un cacheton dans un récipient
(Ritaline, Methadone, Captagon, Xanax...), de s'engueuler, de gerber,
de baver etc, etc... en public, évidemment.
Un
peu fatigué de tout cela, un jour, notre animateur vedette prend
conscience qu'il a atteint la cinquantaine et cet amer constat
l'angoisse terriblement. Lui qui était plutôt fêtard, couche-tard,
consommateur de produits illicites à gogo se rend compte qu'il a
vieilli : « Jusqu'à 50 ans, on court dans la
foule. Passé cet âge, on est un peu moins pressé d'avancer. Autour
de soi l'on distingue moins de monde, et devant, un précipice béant.
Ma vie s'est amenuisée. Je sens bien que mon cerveau est plus jeune
que mon corps. Je me fais battre au tennis 6-2 par mon neveu âgé de
douze ans. Romy sait changer les cartouches de mon imprimante ;
j'en suis incapable. Je mets trois jours à récupérer après une
soirée tequila. J'ai atteint l'âge où on a peur de se droguer :
on sniffe des « pointes » à la place des « poutres »
d'antan. On a tout le temps l'air coincé parce qu'on se retient de
faire un AVC du visage. On boit des verres de jus de pomme avec des
glaçons pour faire croire que c'est du whisky. On ne se retourne
plus sur les filles dans la rue car on craint d'attraper un
torticolis. Dès qu'on veut surfer sur la mer, on chope une double
otite. Chaque nuit, on se réveille une ou deux fois pour aller
uriner. C'est aussi cela les joies de la cinquantaine : si on
m'avait dit qu'un jour j'attacherais ma ceinture de sécurité à
l'arrière des taxis ! »
Dur
est aussi de constater que les potes du même âge avec qui il
faisait la teuf ont vieilli eux aussi : il les reconnaît à
peine : « Ma génération est passée en un clin
d'oeil de l'inconséquence à la paranoïa. J'ai l'impression que le
changement a eu lieu en une nuit : soudain tous mes potes
destroy des années 80 ne jurent plus que par la nourriture bio, le
quinoa, le véganisme et les randonnées à vélo. »
Effrayant,
non ?
52
ans… On bascule…
Et
quand on n'a même pas l'aide de Dieu, il faut l'avouer, c'est plus
dur de penser à la mort : « J'appartiens à la
première génération humaine élevée sans patriotisme, ni orgueil
familial, ni racines profondes, ni appartenance locale, ni croyance
particulière... »
Donc,
il ne reste qu'une solution : prendre son courage à deux mains
et réfléchir.
Calculons,
si vous le voulez bien. (Les jeunes, arrêtez de rire, vous y
passerez vous aussi!) L'espérance de vie en France est de 78 ans, il
reste donc à Frédéric (qui a fait le calcul comme un grand)
« vingt-six ans, soit 9490 jours à vivre. » « Il
faudrait m'inventer un calendrier de l'avent avec 9490 fenêtres à
ouvrir. »
C'est
bien de garder un peu d'humour mais je ne suis pas sûre que cette
précision mathématique aide à vivre…
N'empêche
que notre animateur vedette a pris une décision : il ne mourra
pas (lui et sa famille… les autres, il s'en fout…) « Soyons
clair : je ne déteste pas la mort ; je déteste ma mort. »
OK, on a bien compris. Alors, clairement, que fait-on face à cette
hécatombe car les chiffres sont là : « ...59
millions de morts par an. 1,9 décès par seconde. 158857 morts par
jour. Depuis le début de ce paragraphe, une vingtaine de personnes
sont mortes dans le monde – davantage si vous lisez lentement…
L'humanité est décimée dans l'indifférence générale. Nous
tolérons ce génocide quotidien comme s'il s'agissait d'un processus
normal. Moi, la mort me scandalise. Avant j'y pensais une fois par
jour. Depuis que j'ai cinquante ans, j'y pense toutes les minutes. »
Et
c'est là que
notre Frédéric
(vous verrez, on finit par bien le connaître!)
décide de trouver LA solution : il prend ses cliques
et ses claques
et s'organise un petit tour du monde des spécialistes chargés de
nous rendre (quasi)
immortels et là, messieurs-dames, franchement, c'est très drôle
(et en même temps, d'après ce que j'ai compris très sérieux,
super documenté et tout et tout). Vous ne comprendrez pas forcément
dans le détail toutes les explications sur le génome, les cellules
iPS, la thérapie génique par CRISPR pour allongement des télomètres
et régénérescence des mitochondries, le séquençage de l'ADN ,
les
cellules
souches
etc,
etc
mais ne vous inquiétez pas, ce n'est pas grave ! On a
l'impression d'être en pleine science-fiction mais je crois que
c'est juste la réalité.
Bon,
on commence par une visite chez le docteur Frédéric Saldmann (Le
meilleur médicament,
c'est vous… 550000 exemplaires vendus - vous
en possédez bien un exemplaire, allez, avouez…),
hôpital européen Georges-Pompidou, Paris. Fred
s'offre
un check-up complet (vous
aurez même une
reproduction de son scanner coronaire… ah, les auteurs actuels se
mettent à nu !)
assorti de quelques conseils : prenez note. (J'avoue qu'après
cette lecture, mon caddie s'est
subitement métamorphosé
- ça durera le temps que ça durera mais
grâce à ce bouquin, ma vie se verra-t-elle prolongée de quelques
années, qui sait ? Merci Fred !)
Au
programme, des
antioxydants : radis, raisins secs, quinoa, clémentines,
pamplemousse, ail, amande, citron, carottes, tomates, brocolis,
fenouil, poireaux,
courgettes, aubergines. Avec ça, je vous fais gagner 10 ans au
moins !
Après
ce qui est à notre portée (quoique…), on s'envole vers :
Genève,
professeur
Stylianos Antonarakis
(séquençage du génome humain) : « Là
est la grande nouveauté : avec la génétique, on n'attendra
plus d'être malade pour se soigner. Le génome est le Minority
Report de votre corps. »,
puis
on
redécolle direction
l'hôpital
hébraïque de Jérusalem pour un RV avec le docteur Yosi Buganim :
lui, son truc, ce
sont
les cellules souches embryonnaires. Tant
qu'on est là-bas, autant essayer
de se convertir : au choix trois religions, vous devriez trouver
chaussure à votre âme. On refait
les valises pour
l'Autriche cette
fois:
clinique Viva Mayr, Maria Wörth - meilleur centre de détox AU
MONDE
- je
vous le dis tout de suite, financièrement, je ne pense pas que ce
soit pour nous, enfin, pour moi en tout cas !
Des détails ? Détox
digestive (on ne mange que des légumes), purge par ingestion de sel
d'Epsom (selles fulgurantes précise l'auteur - merci de prévenir…),
lavements du
côlon, massages lymphatiques, stimulation électromusculaire, séance
de respiration d'oxygène, thérapies nasales aux huiles essentielles
etc, etc.
Bon,
après ça, on n'est pas immortel mais ça rallonge un peu,
paraît-il. (Tiens,
je verrais bien le gars Woody Allen jouer ce rôle de névrosé
frénétique, pas vous? Mais bon, c'est peut-être pas le moment, il
a peut-être d'autres soucis !)
Allez,
je vous laisse découvrir tout seul l'East River Lab de NY, le
Wyss Institute de la Longwood Medical Area à Harvard, le Harvard
Medical School de Boston, le Health Nucleus de San Diego en
Californie. Là, comme vous l'aurez remarqué, je fais moins mon
intéressante parce que point de vue explications, ça se corse…
j'ai pas tout compris… Mais bon, vous voici armé pour vivre aussi
longtemps que le rat-taupe nu, la baleine boréale et le singe
capucin (qui
vivent bien plus longtemps que leurs congénères, allez
savoir pourquoi!)
Et
puis, si rire permet de vivre plus longtemps, alors, la lecture de ce
livre devrait vous allonger de quelques années la durée de votre
existence : encore une fois, j'ai trouvé ce roman très drôle,
j'ai appris (et oublié - Alzheimer?)
plein de choses. Et puis ce Beigbeder (dont je n'avais rien lu), eh
bien je l'ai
trouvé fort sympathique - est-ce l'âge qui nous rapproche ?
(comme
m'avait dit un surveillant de mon collège que j'avais invité à me
tutoyer : « Je ne peux pas, c'est générationnel…
allez, prends-toi ça dans la tronche)
- et même très touchant (le
Fred).
On dira ce qu'on voudra, je me suis bien amusée…
par contre, depuis, les repas brocolis / blanc de poulet (sans sauce)
font nettement moins rire les enfants...