Saviez-vous qu’au mois de juillet
1836, Balzac quittait Paris en calèche pour se rendre à Turin avec une jeune femme déguisée en page ?
Cet épisode pour le moins romanesque
est le sujet du dernier livre de Max Genève : Le Voyage de M. de Balzac
à Turin.
Non, cette jeune femme n’est pas George
Sand, elle s’appelle Marcel, de son vrai nom Caroline Marbouty, elle est
mariée, a deux enfants et elle écrit à une époque où les publications des femmes
sont rares.
En décembre 1835, Balzac
directeur de La Chronique de Paris avait commandé une nouvelle qu’elle avait
signée Marcel. Il lui en demandera d’autres et en lui proposant cette petite
escapade, il espère obtenir davantage encore de cette jolie jeune femme. Seulement,
Balzac est prudent, il ne veut pas que le grand amour de sa vie Mme Hanska,
ainsi que ses autres maîtresses parisiennes Mme de Berny et Mme
Guidoboni-Visconti apprennent qu’il voyage avec une jolie jeune femme, d’où ce
déguisement qui, en réalité, ne trompe personne.
Ce voyage tombe à pic ! Balzac croule
sous les dettes: son journal fait faillite; sans cet appui, ses
vues politiques n’ont aucune chance de se concrétiser, le Lys dans la vallée
se vend mal, et l’écriture de ses romans l’a épuisé.
Par chance, ses amis, les
Guidoboni-Visconti lui demandent de les représenter à Turin pour une affaire de
succession un peu compliquée : le romancier a quelques notions de droit,
cela fera l’affaire !
Et nous voilà partis sur les
routes avec Balzac et son petit page : Chambéry, la Grande Chartreuse, le
Mont-Cenis, Turin. Les visites de la ville le long du Pô, dans les petites
ruelles bien fraîches où flotte l’odeur des figuiers et des lauriers sont
délicieuses. On pénètre dans les jardins de l’avocat Luigi Colla à Rivoli, on
grimpe jusqu’à l’église Santa Maria del Monte dei Cappucini et l’on chevauche
jusqu’à Superga pour découvrir les tombeaux des princes de Savoie. Les soirées, dans
les belles villas aristocratiques, où Balzac est reçu en invité de marque, ont
tout autant de charme…
C’est sans conteste un périple très
documenté, agréable pour le lecteur qui découvre la ville aux côtés d’un Balzac
devenu compagnon de voyage. Parenthèse peu connue de la vie de l’écrivain qui
n’est pas représenté comme on a l’habitude de le voir : penché sur sa
table de travail, même si cela finit par lui manquer. Quel homme !
J’avoue que j’aurais tout de même
aimé en savoir plus sur cette femme, « Marcel », qui demeure trop
souvent au second plan : qui était-elle vraiment ? Comment a-t-elle
vécu cette aventure dans sa vie ? L’épilogue se recentre sur elle mais le
mystère demeure… finalement, elle reste dans l’ombre du génie…