Éditions L'Iconoclaste
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Avec
ce type de livres, de deux choses l'une : soit la magie opère
et l'on garde du roman un souvenir lumineux, quelque chose qui relève
de la beauté, de la pure poésie, ou bien, ça ne prend pas, le
soufflé retombe et le roman ne produit au mieux que deux trois
étincelles que l'on aura vite fait d'oublier.
J'avoue
que lorsque j'ai découvert le sujet, l'histoire d'un petit garçon
de douze ans pas comme les autres « Foudre de guerre.
Génie. Lumière. C'était tout ce que je n'étais pas, on n'arrêtait
pas de me le répéter », qui décide de quitter sa maison
pour partir à la guerre et devenir un homme, j'ai eu très peur :
le sujet me semblait risqué. Écrire du point de vue d'un gamin
intellectuellement déficient peut donner des choses pas forcément
très heureuses, on l'imagine aisément.
Alors,
me direz-vous ? Eh bien, c'est réussi : le texte est
vraiment beau, pur, sensible, d'une grande sensualité, il y a un je
ne sais quoi du Petit Prince dans l'atmosphère un peu
étrange qu'il dégage...
Comme
je vous le disais, c'est l'histoire d'un jeune garçon dont on ne
connaîtra pas le vrai prénom et qui sera surnommé Shell parce que
ses parents travaillent dans une station-service. Nous sommes dans
le sud de la France dans la Vallée de l'Asse, un peu au milieu de
nulle part, dans les années soixante. C'est l'été, il fait chaud,
Shell fume sa première cigarette derrière la station-service. Un
peu secoué par sa première bouffée, il lâche sa cigarette sur un
tas d'aiguilles de pin qui s'enflamme. Le soir même, il comprend en
entendant ses parents s'entretenir au téléphone avec sa soeur qu'il
sera placé et décide de partir, d'aller voir ailleurs, de l'autre
côté du plateau.
Il souhaite devenir un homme et pour
cela, il est persuadé qu'il doit faire la guerre. Il s'empare donc
du fusil de son père et part. « A force de m'entendre
répéter que je n'étais qu'un enfant, et que c'était très bien
comme ça, l'inévitable est arrivé. J'ai voulu leur prouver que
j'étais un homme. Et les hommes, ça fait la guerre, je le voyais
tout le temps à la télé, un vieil appareil bombé devant lequel
mes parents mangeaient quand la station était fermée. »
Pourtant,
Shell aimait sa vie dans la station-service, les petits travaux qu'il
y faisait, même si chaque jour ressemblait toujours beaucoup à
celui de la veille : « Mes parents parlaient peu.
A la maison, un rectangle de parpaings que mon père n'avait jamais
fini d'enduire derrière la station, les seuls bruits étaient ceux
de la télévision, et des mules de cuir sur le lino, du vent qui
dévalait de la montagne et qui venait se coincer entre la paroi et
le mur de ma chambre. Mais nous, on ne parlait pas, on s'était déjà
tout dit. »
Le
garçon décide donc de partir à la guerre. Très bien, mais…
c'est où la guerre ?
Et
si au lieu de la guerre, il faisait une autre rencontre, une vraie,
une grande, si son chemin croisait celui d'une Reine, une vraie Reine
qui l'aiderait à devenir un homme...
Ce
texte m'a charmée par cette atmosphère étrange, onirique qu'il
dégage. Le rapport de cet enfant au monde qui l'entoure est
particulièrement bien rendu : en effet, Shell est à la fois
étranger à ce monde et en même temps un élément de la nature
qu'il traverse, à laquelle il se mêle intimement et dont il devient
le coeur.
Il
se donne, s'offre au monde sans compter jusqu'à risquer d'en perdre
la vie. On peut parler même
d'une espèce d'osmose entre le monde et l'enfant, magnifiquement
rendue par les mots de Jean-Baptiste Andrea. Shell est le soleil,
l'eau, la terre, la roche dans une espèce de sensualité folle et
sans limites. Et c'est vraiment superbe.
Enfin,
j'ai aimé la langue poétique, à la fois simple, comme l'esprit de
l'enfant, et en même temps, révélant des beautés inaccessibles à
nos yeux de gens dits « normaux », une langue qui permet
au lecteur de retrouver son esprit d'enfance… Magique, non ?
Oui,
incontestablement, l'enchantement a eu lieu, Shell devient à son
tour un Roi, un Prince des éléments, de l'amour, du don de soi à
l'autre, de la liberté…
Un
conte initiatique poétique et lumineux dont je ne peux que vous
conseiller la lecture !
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