Éditions Gallimard série noire
★★★★★ (complexe et fascinant)
Décidément,
en ce moment, je passe d'un texte pas facile (Idiotie
de Pierre Guyotat) à un autre, dans un genre complètement
différent, puisqu'il s'agit d'un roman noir : Empire des
chimères d'Antoine Chainas. Bon, ça, c'est un sacré polar,
rudement bien écrit, épais (658 pages) et l'intrigue est... comment
dire… pour le moins complexe ! Et il faut l'avouer, je n'ai
pas tout compris, loin de là ! Mais est-ce bien grave ?
Difficile, au fond, de classer une œuvre aussi dense, touffue,
labyrinthique dans sa construction et qui s'en va, parfois, traîner
du côté du fantastique. Une espèce de texte vertigineux et
tentaculaire qui touche à un tas de sujets et que je vais donc avoir
un mal fou à vous présenter (si j'y arrive!) Ne m'en veuillez pas
si je tâtonne un peu.
L'action
se déroule dans un petit village français situé au beau milieu de
nulle part : Lensil.
Quelques
figures vont très vite émerger de cet espace glauque et plutôt
sordide : une instit' à la retraite, un plombier au chômage,
une coiffeuse qui a perdu son chat, un directeur d'agence
immobilière, un boucher, trois gamins qui s'adonnent à un jeu de
rôle intitulé Empire des chimères,
un garde champêtre
qui fait office de gendarme dans ce petit village paumé. Bref, c'est
tout un tas de personnages qui nous sont présentés. (Pas
d'inquiétude, on finit par les mémoriser relativement facilement -
et pourtant je ne suis pas très douée pour ça d'habitude...)
Or,
un jour, une gamine, Édith, disparaît tandis qu'elle jouait à
cache-cache avec ses copines… Meurtre ? Enlèvement ?
Mystère ! La petite est introuvable...
L'action
se situe dans les années quatre-vingt, époque où Mitterrand
milite pour « une France plus juste, plus fraternelle ».
En attendant des jours meilleurs, on entend plutôt parler de crise
économique, de choc pétrolier, de mondialisation, de société de
consommation.
La
ville de Lensil, en passe de mourir, faute d'habitants, n'est pas
près d'attirer âme qui vive avec une affaire comme celle-ci. C'est
l'hiver, il fait froid, gris, et en plus, un champignon invasif a eu
la mauvaise idée de s'épanouir dans de nombreuses maisons. Bref,
c'est un vrai cauchemar que ce lieu.
« Les
rares oiseaux qu'on y entend sont des corbeaux, la terre que l'on
foule une stagnation opaque et les gens qui peuplent les environs les
gardiens d'une prison invisible, sans plus de
consistance qu'un nuage de poix.»
Bienvenue
à LENSIL !
Allez,
fuyons et partons pour les States car une autre partie de l'action a
lieu là-bas, précisément là où a été conçu le fameux jeu
auquel s'adonnent les gosses. En effet, on prépare non sans mal une
nouvelle version qui, paraît-il, est encore plus terrible que la
première. Certains disent d'ailleurs que des copies pirates
circulent déjà sous le manteau...
Il
faut savoir aussi qu'outre-Atlantique une grosse firme américaine de
divertissement a des projets qui pourraient bien transformer les
terres pourries de Lensil en or, en y implantant… un parc à thème
précisément inspiré de ce jeu effrayant…
En
attendant, les enfants jouent et jouent encore : ils sont Louis
le lombric, Andy le loup arctique, Eddy la corneille blanche… et la
réalité se mêle à leur fiction (à moins que ce ne soit
l'inverse), tout s'imbrique, s'enchevêtre, se télescope et devient
dangereusement poreux. C'est un jeu intense, subversif, immersif,
plus qu'addictif et particulièrement violent. Le but de ces gamins
accros ? « Retrouver Eddy, une corneille albinos qui a
disparu d'une ville appelée Simplicité. » Et les joueurs
doivent se rendre sur les Épouvantables Terres pour la retrouver,
des terres gardées par un certain Oskar…
Mais
qui cherchent-ils, ces mômes, Eddy ou une certaine Édith que
personne ne retrouve et que ses parents pleurent ? Et pourquoi
ce charnier de chats ? Et que vient faire ce pique-brune, « la
terreur des bétonneurs » ? Et c'est quoi cette boîte
noire dont le couvercle « s'orne d'une corneille blanche les
pattes en l'air » ? Et cette créature mi-homme mi-bête
qui rôde dans la forêt, qui est-elle, d'où vient-elle ?
Allez,
lancez-vous dans l'aventure, parce que c'en est une de lire un tel
roman. Laissez-vous aller, lâchez votre esprit cartésien. Vous
serez peut-être un peu perdu mais certainement pas déçu !
GO !
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