Laisser passer quelques semaines entre la lecture d'un roman et la rédaction d'une chronique comporte de sacrés risques (surtout chez moi car s'ajoutent à cela l'âge et la mémoire qui flanche...) Mais c'est aussi un très bon test pour savoir si ledit roman résiste au temps...
Ainsi, j'ai lu L'île de Jacob de Dorothée Janin, titre qui a reçu le prix Maison Rouge 2020 (distinction littéraire made in Pays Basque). C'est vraiment un roman tout en atmosphère et dont l'écriture précise, détaillée (je n'aime pas le mot « ciselé ») avait retenu mon attention. L'action a lieu sur une île qui existe vraiment : Christmas Island, territoire australien, au large de Java (un micro-point sur une carte!). Le lieu est réputé pour ses innombrables crabes rouges qui envahissent littéralement l'île (y compris les habitations – beurk!) au moment de la mousson, métaphore du cancer qui ronge notre société confrontée à une crise écologique sans précédent.
Adolescent, le narrateur a vécu sur cette île avec son père, un scientifique appelé sur place pour tenter de décimer une invasion de fourmis voraces qui s'attaquent aux fameux crabes (tout ça, à cause du réchauffement climatique, évidemment!). Faut les laisser faire, me direz-vous… Eh bien non, parce que les crabes rouges attirent les touristes qui veulent les photographier, voilà pour l'argument économique… auquel on préférera peut-être l'argument écologique: n'oublions pas que cette île a vécu des centaines de millénaires coupée du reste du monde et que, sans intervention humaine, les crabes continueraient à se faire rougir au soleil et que sans exploitation de mines de phosphate la biodiversité se porterait comme un charme.
Par ailleurs, se trouve aussi sur l'île un centre de détention qui recueille les demandeurs d'asile, centre dont personne n'aime parler, comme si l'on y avait recours à certaines pratiques peu avouables.
Bref, pendant que l'entomologiste s'occupe des petites bestioles (tout en étant bien persuadé de son inefficacité) (il dit d'ailleurs à son fils « - Je suis venu assister au désastre. Ce n'est pas tous les jours que l'on voit la destruction d'un écosystème. Tu es un privilégié, tu vas voir l'extinction d'un monde. Des millions d'années d'autarcie, et tout ça qui se désagrège en quelques années. Juste parce que l'homme y a foutu les pieds. »), bref, pendant que le père assiste impuissant à la fin d'un monde, le fils (le narrateur) fait des rencontres : des filles (sales bêtes que les hormones, tiens!) et un homme très beau, très mystérieux et profondément dépressif (le Jacob du titre) qui va initier le narrateur à la plongée. Les relations entre les deux personnages resteront assez troubles, mélange de fascination, de jalousie et d'amour aussi peut-être…
Je me rends compte que résumer un tel texte n'a absolument aucun sens (mais je ne supprime pas… je ne me suis pas cassé la tête pour rien, hein !) parce qu'au fond, tout tient par l'écriture : en effet, l'autrice a su créer une atmosphère de fin du monde, étrange, envoûtante, réellement étouffante, comme si la mort rôdait constamment… Franchement, c'est réussi !
Oui, incontestablement, l'écriture de ce texte est intéressante (c'est juste essentiel, me direz-vous et vous aurez raison!). En revanche, ce qui m'a gênée, c'est, dans le fond, l'abondance des sujets abordés (même si l'on voit bien ce qui les fédère) : le travail du père (que l'on abandonne vite d'ailleurs et c'est bien dommage je trouve… j'aurais aimé le suivre un peu dans ses recherches, ses soirées de picole… oui, j'avoue (ah, ah!) le père m'intéresse plus que le fils… ), les rencontres du fils, son éveil des sens etc etc (ses copines et notamment ce Jacob qui arrive selon moi un peu tard dans le livre) et bien sûr, les grandes questions qui sous-tendent le texte à savoir : écologie et crises migratoires. Bref, je trouve que tout ça, finalement, ça fait, peut-être un peu beaucoup…
Mais bon, pourquoi pas dans le fond...
Allez, j'ai aimé ce texte et je suis d'accord avec les membres du prix Maison rouge : ce roman mérite d'être distingué ! ( d'ailleurs, s'ils veulent m'inviter à Biarritz l'an prochain, qu'ils n'hésitent pas - d'autant que (bon d'accord, ça n'a rien à voir avec la littérature mais…) le gâteau basque et moi, pour le coup, c'est une VRAIE histoire d'amour...)
je crois que je n'aime pas du tout le gâteau basque, mais j'ai aimé cette chronique sans pour autant avoir envie de lire ce livre.
RépondreSupprimerMerci du fond du coeur de préférer mes chroniques au gâteau basque!! A très bientôt, Luocine! ♥ ♥ ♥
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