Vous n'avez pas encore lu le prix Goncourt ? Et vous en avez l'intention ? Alors, je vous déconseille de lire ce qui suit : en effet, comme il est très difficile de parler de « L'Anomalie » sans dévoiler ne serait-ce que le début de cette histoire incroyable, je préfère vous prévenir… Mais si vous l'avez déjà lu… si connaître un peu l'histoire à l'avance ne vous déplaît pas tant que ça... ou bien, avouez-le, si vous n'avez pas l'intention de le lire... C'est parti, suivez-moi, je passe après vous !
Imaginez : un avion atterrit deux fois. Oui, une fois en mars 2021 et une seconde fois en juin 2021. Le même Boeing 787 avec les mêmes pilotes, les mêmes hôtesses, les mêmes passagers, le même pare-brise fissuré, le même radôme défoncé, la même tache de ketchup sur le même siège grisâtre dont le bord est légèrement déchiré par la même usure...
Deux fois… Deux fois exactement le même...
Le 2e vol Paris/New-York, après avoir traversé un énorme cumulonimbus et un mur de grêlons gros comme le poing, est expressément dévié de JFK et invité à se poser sur une base militaire du New Jersey, dans une discrétion toute relative… Parce que les passagers qui vont descendre, eh bien, comment dire ? Ils existent déjà… ils ont déjà atterri en mars 2021, sont déjà rentrés chez eux, certains sont même déjà morts ! Bref, pour le moment, on les maintient dans un grand hangar et l'on fait venir de toute urgence tous les prix Nobel, les Prix Abel, les « médailles Fields » que l'on peut trouver, les responsables de tous les cultes possibles et imaginables, quelques philosophes de derrière les fagots... On contacte le président des USA (un certain Donald Trump ou un qui lui ressemble fortement .) Et tous ensemble, on réfléchit, on triture les phénomènes dans tous les sens et l'on essaie de trouver une solution, une réponse quoi… Ou au moins, un début de réponse…
Et si nous faisions partie d'un vaste programme, d'une espèce de test, d'une simulation à grande échelle programmée par un … un quoi ? Un être suprême ? Une intelligence artificielle ? Un grand manipulateur ? Un prodigieux ordonnateur ? Un dieu tout-puissant ? Bref, quelqu'un-une-chose qui nous aurait créés pour voir un peu comment nous nous débrouillons sur terre (il ne doit pas être déçu…) et qui, le moment venu, arrêtera toutes les machines (à moins qu'on le fasse de nous-mêmes - à l'allure où l'on va, j'opterais plutôt pour la 2e voie de cette tragique alternative.)
Et nous, là-dedans, nous sommes qui (quoi) exactement ? Des esprits qui pensent réellement ou bien des cerveaux virtuels programmés pour concevoir telle ou telle chose ? Quelle est notre part de liberté ? Et puis, concrètement, comment va-t-on faire pour vivre avec notre double ? Y a-t-il un original et une copie ou deux originaux ou deux copies ? Tout est-il simulé, tout est-il falsifié, tout est-il truqué ?
Tant de questions que l'on aurait pu ne pas se poser s'il n'y avait eu, dans la programmation du grand manitou,… une anomalie (comme quoi, l'erreur n'est pas qu'humaine…)
Bon allez, franchement, l'idée est carrément géniale… Et l'on avale le roman comme on lirait un vrai page-turner… Même si j'ai quelques réserves sur le nombre de personnages que l'on suit : les 10 premiers chapitres sont en gros réservés à la présentation des personnages du roman, un par chapitre, mais pour moi, c'est trop. Quand on les recroise un peu plus loin, je les situe plus ou moins bien. Et puis, tiens, en plus, qu'est-ce que c'est frustrant tous ces premiers chapitres qui nous présentent des personnages et des situations qu'il nous faut quitter très rapidement… C'est un peu long ce début, on attend le décollage (ah ah!), que l'intrigue démarre enfin… Peut-être aurait-il été préférable de se limiter à 4/5 personnages ou familles, quitte à les fouiller un peu plus… Mais bon, ok, je chipote…
Ce roman m'a vraiment fait penser aux contes philosophiques voltairiens : l'histoire/ les personnages étant un prétexte à une réflexion philosophique, métaphysique, à une critique de la société et des mœurs… Avec le même humour bien décapant. On met en place une situation, on y jette une poignée de personnages et on les observe se débattre (comme des rats de laboratoires.) Et c'est franchement drôle, très drôle même… Certains passages sont de vrais morceaux d'anthologie : par exemple lorsque les conseillers scientifiques sont réunis et échangent avec un président qui n'y comprend rien (un peu comme nous d'ailleurs) ou bien lorsque les représentants des différentes religions sont prêts à se battre parce qu'ils ne parviennent pas à trouver un accord… Heureusement que celle qui chapeaute ces réunions, la géniale Jamy Pudlowski, « rétive à toute forme de conviction religieuse », a ces paroles assez percutantes : (quand on lui demande si elle est athée, elle répond : « Je m'en fous, Dieu, pour moi, c'est comme le bridge : je n'y pense jamais. Donc, je ne me définis pas par le fait que je me fous du bridge, et je ne me réunis pas non plus avec des gens qui discutent du fait qu'ils se foutent eux aussi du bridge. »
Une foule de questions se presse et l'on rit de l'évolution inattendue de certains personnages qui sauront parfois se débarrasser au plus vite de leur double gênant. Franchement, ce texte fourmille de réflexion passionnantes, de saillies drôles, surprenantes, paradoxales, désespérées… Le texte est facétieux, faussement léger, parodique à souhait, bourré de références et de mises en abyme… j'aime aussi beaucoup le ton parfois mélancolique qui est le sien : « Personne ne vit assez longtemps pour savoir à quel point personne ne s'intéresse à personne. » Ooohhhh, que ça fait mal… Les genres se mélangent brillamment, les jeux d'écriture vont bon train : on assiste à un vrai numéro d'équilibriste qui finit sur une superbe cabriole dont je ne dirai rien…
Franchement, bravo ! Une vraie belle réussite !
Je n'ai lu que les 2 premiers paragraphes de ton texte... Ça me fait penser à "un jour sans fin", ce film où Bill Murray se réveille tous les jours à 6h00 sur Sonny and Cher, et revit la même chose à quelques détails près.
RépondreSupprimerEt dire que je n'ai toujours pas vu ce film...
SupprimerSauf que là, ce sont les mêmes personnes qui reviennent et donc au lieu d'être "un", elles sont "deux", exactement semblables... Qui est la copie, qui est l'original? Et qu'est-ce qu'on fait du 2e (ou du 1er)? Pas simple... Angoissant et très drôle à la fois... L'as-tu lu?
Je n'ai pas lu ton billet, comme tu le conseilles à ceux qui souhaitent découvrir ce Goncourt, hormis la dernière phrase qui conforte mon intention ;-)
RépondreSupprimerL'as-tu lu depuis que tu as laissé ton message? Et si oui, qu'en as-tu pensé? Hâte d'avoir ton avis!
SupprimerJ'ai lu avec grand plaisir ce roman hors du commun et très apprécié.
SupprimerJe donne ma langue au chat pour la dernière phrase du livre. Pas décodée et restée sur ma faim. Ayez pitié et donnez moi la réponse. Merci.
j'ai beaucoup aimé ce livre facétieux, et parfois asez grave, aussi. j'ai aimé les personnages, e fait qu'ils soient nombreux ne m'a pas gênée, j'aime bien les défis à ma mémoire...
RépondreSupprimer