J'avais entendu beaucoup d'éloges sur ce Goncourt du premier roman 2021 et effectivement, je vais abonder dans le même sens ! Quel beau texte, fort, puissant, tout en retenue, où chaque mot devrait être suivi d'un silence, d'une pause, d'un recueillement presque, tellement le propos, terrible, insupportable, impensable, touche au tragique.
Plusieurs voix se croisent pour dire l'indicible : celle d'une jeune femme enceinte sans être mariée, dans un pays, l'Irak d'aujourd'hui, où cela revient à être condamnée à mort. Parce qu'il faut respecter le code de l'honneur. « Chez nous, mieux vaut une fille morte qu'une fille mère. »
Son frère va venir, elle le sait et il va venir pour la tuer.
Elle avance vers ce destin qui est le sien.
Elle sait qu'elle n'y échappera pas. « La mort est en moi. Elle est venue avec la vie. »
Il y a aussi la voix de sa belle-sœur, la femme comme doivent être les femmes en Irak : esclaves, enfermées, muettes, résignées. « Je suis l'épouse, la femme soumise, la femme correcte, celle qui respecte les règles, qui ne les discute pas. » Celle qui dans son malheur absolu se dit encore la plus heureuse de tous. Terrible déclaration.
On entend aussi la voix d'Amir, le frère qui va tuer, « celui par qui la mort arrive »… « Je suis l'homme de la famille, l'aîné, le dépositaire de l'autorité masculine- la seule qui vaille, qui ait jamais valu… Je suis l'assassin. »
Et ces voix nous disent que rien ne peut arrêter le destin, que la machine tragique s'est mise en route parce qu'en Irak, aujourd'hui, les femmes vivent sous l'autorité des hommes, qu'elles doivent se taire, subir et mourir s'ils le décident. C'est comme ça.
Comme un choeur, entre les voix de ces ombres qui entourent la jeune fille qui va mourir, s'élève la voix du fleuve, le Tigre, qui traverse les terres brûlées par le feu de la guerre, les champs de ruines et de désolation... L'eau, la vie n'est plus que deuil, douleur, désolation.
Un texte d'une très grande sobriété qui dit en peu de pages une réalité contemporaine que l'on aimerait classer définitivement dans les tragédies antiques datant d'un temps immémorial. Mais non, cela a lieu aujourd'hui et on a bien du mal à croire que ce soit encore possible.
Un récit inoubliable...
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