J’avoue que tout le long de la lecture de ce texte (à l’écriture délicieuse mais au sujet particulièrement éprouvant), je me suis demandé sur quelle terrible catastrophe allait déboucher ce tête-à-tête étouffant entre une mère toxique, tyrannique, violente et sa fille Elsa. La mère vient d’acheter un appartement et l’enfant arrive dans un espace nouveau qu’elle n’a bien sûr pas choisi. Elle va devoir s’adapter à une nouvelle chambre, un nouveau quartier, une nouvelle école. C’est peut-être ce qui caractérise l’enfance : accepter des choses qu’on n’a pas choisies. Difficile d’échapper à l’emprise de l’adulte dont on dépend, difficile de s’opposer, de protester, de dire non. Subir. Subir les lieux. Subir la nourriture. Subir les choix, tous les choix, les bons et les mauvais. Se soumettre. Ne jamais rien dire. Attendre de grandir. Mais échappe-t-on vraiment un jour au poids de la famille et aux traumatismes de l’enfance ? Ici, le regard de l’enfant s’attache à observer les lieux, les choses et le temps qui passe avec beaucoup de minutie, comme si la contemplation du monde, en lui emplissant l’esprit, allait lui permettre d’échapper à sa mère, à ce huis clos insupportable et particulièrement oppressant. Une mère paumée qui s’agrippe à sa fille (physiquement et moralement) pour s’empêcher de couler sans se rendre compte qu’elle l’entraîne elle aussi dans son naufrage. L’écriture à la première personne, sensible et sensuelle, rend parfaitement bien les états d’âme d’une enfant réduite au silence à cause d’une mère abusive et égocentrée, une mère qui chaque jour détruit un peu plus sa fille. Et c’est la façon dont l’enfant perçoit ce quotidien, cette violence sourde, silencieuse et répétée qui nous est racontée à travers son point de vue.
Un texte fort et puissant qui dit toute la violence familiale : une lecture en apnée dont on sort épuisé tandis que les dernières lignes nous mettent à terre. Magnifique !
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