Éditions Grasset
Le narrateur, un écrivain ayant
déjà plusieurs livres à son actif, reçoit un jour un mail : « Selim Hacopian a écrit un livre ».
Etonnante, cette façon de parler
de soi-même à la troisième personne. Pourquoi a-t-il reçu un tel message, se
demande-t-il et surtout QUI est ce Selim Hacopian ?
La suite du courriel précise : « il vous enveurrait volontiers quelque chose. »
Hum, cette orthographe ne laisse rien présager de bon… C’est pourquoi, la
réponse du narrateur est nette : « Veuillez ne rien
envoyer. »
C’est certainement un peu brutal,
j’en conviens, mais ça a l’avantage de couper court à toute volonté éventuelle
de reprendre contact…
Un peu plus tard, notre auteur
remarque un fichier joint au message, ce qui l’énerve encore davantage : « Il
envoyait. Quoi que j’aie pu dire à ce sujet. Il envoyait. Ce qu’il avait envoyé
était depuis longtemps déjà sur mon ordinateur. »
Cela ressemble en effet à une
intrusion forcée, un pied dans la porte. Il reste à ouvrir la pièce jointe :
c’est un curriculum vitae. Pas un CV banal mais le CV d’un gars qui a arpenté
le monde : « Né à
Namangan, Ouzbékistan, déménagement de la famille au Pakistan, de là émigré en Egypte. Religion copte. Auparavant
autres confessions. Aspirant officier. Un premier voyage en Chine. Un deuxième
voyage en Chine. Moniteur de montée à dos de chameau. Guide sur les pyramides… »
Qu’est-ce que vous dites de
cela ? Pas commun hein ? En tout cas le narrateur trouve sa vie bien
pâlichonne par rapport à celle de… comment s’appelle-t-il déjà ? Ah
oui : Selim Hacopian… retenez ce nom ! Qu’à cela ne tienne, notre
auteur a des romans à finir et n’a pas le temps de lire l’oeuvre d’un
écrivaillon en herbe.
Mais un jour, alors qu’il fait
ses courses, il entend : « Monsieur l’Écreuvain, Monsieur l’Écreuvain ! »,
il se retourne. C’est LUI…
Ce petit livre m’a fascinée pour
plusieurs raisons : la lectrice de romans à suspense s’est demandé où
cette rencontre allait les mener… Je ne vous en dirai pas plus pour préserver
la tension car oui, il y en a une et qui nous tient en haleine jusqu’au bout du
récit !
Puis, j’ai beaucoup ri, vraiment : les
personnages sont vraiment désopilants, les remarques ironiques de l’auteur sont
franchement drôles. Un exemple : « On dénombrait, dit-il, deux types
d’écrivains. Il cita mes propres paroles. Deux types d’écrivains : ceux
qui se mettent à écrire et qui ensuite, s’ils ont du succès, font du métier
d’écrivain leur profession principale. Et ceux qui commencent par décider de
devenir écrivains et commencent ensuite à écrire. Lui voulait faire ça dans cet
ordre-là. D’abord être écrivain, ensuite se mettre à écrire. »
Quant à Selim, on se demande s’il
fait exprès d’être comme il est ou s’il est vraiment ce qu’il semble être
(tiens, un autre mystère !). Il y a une dimension un peu absurde dans ce
livre qui m’a beaucoup plu.
Enfin, il y a cette écriture qui
traduit l’étonnement, que dis-je la stupéfaction du narrateur qui n’y comprend
rien, qui n’en revient pas de ce qui lui arrive…
Et en plus, Joachim Zelter nous
parle de la littérature contemporaine et de la façon dont elle se vend : ce
n’est pas toujours l’essentiel qui est mis en avant, loin s’en faut…
Un dernier conseil… si un jour,
tandis que vous flânez en ville, vous entendez un « Monsieur
l’Écreuvain, Monsieur l’Écreuvain ! » SURTOUT ne vous retournez
pas !
Filez votre chemin, croyez-moi,
filez votre chemin !
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