Éditions Rivages
J’avais lu ici et là de très
bonnes critiques sur ce livre et j’avoue que les trois T Télérama ont achevé de me convaincre.
Je viens de finir ce roman noir
et si je me sens peut-être un peu moins enthousiaste que certains, je reconnais
que ce livre a des qualités littéraires évidentes.
Le sujet : un jeune homme,
Franck, sort de prison où il vient de purger une peine de cinq ans pour un
braquage qu’il a commis avec son frère, Fabien. C’est la compagne de ce dernier
qui vient le chercher à sa sortie de prison : son frère est « pour
affaires » en Espagne. Cette femme très séduisante s’appelle
Jessica et elle attire irrésistiblement Franck.
Elle l’emmène dans une maison
entourée de pneus crevés et de carcasses de voitures, vers Langon, dans le sud
de la Gironde, où elle vivote avec ses parents « Les Vieux » et sa
fille Rachel qui ne dit rien et observe, mutique, le monde qui l’entoure. Un
chien noir rôde sans cesse, menaçant. « Franck se demandait comment on
pouvait habiter ici, loin de tout, et il eut peur de ce désert hérissé de
troncs noirs d’où surgissait parfois un bosquet rond et touffu de chênes tassés
les uns contre les autres, survivants sur un pré funèbre planté de hallebardes
après une bataille. »
C’est l’été et l’auteur réussit
parfaitement à nous faire vivre cette impression d’étouffement que ressent
Franck chez ces gens qui lui ont laissé une caravane - autre espace clos - où
loger en attendant le retour du frère.
Les journées passent, l’air est
de plus en plus irrespirable, la chaleur accablante et chacun s’observe,
s’épie, dans le silence… Franck sent « quelque chose dans l’air, comme un
relent, la trace d’une ancienne puanteur qui empêchait parfois de respirer à
fond. Rien à voir avec la prison. Il n’aurait pas su dire vraiment ce qu’il
ressentait. »
Quelques bribes de conversations
viennent réveiller des après-midi qui n’en finissent pas : les
« Vieux » boivent bière sur bière, fument cigarette sur cigarette,
Jessica pique des crises de colère contre sa fille muette puis disparaît
soudain et Franck assiste en spectateur passif à des scènes qu’il ne comprend
pas, jouées par des acteurs qui ne lui inspirent aucune confiance.
Et l’attente est longue, très
longue, menaçante, sous tension. Peu de gestes, de mouvements. Difficile de
respirer dans ce huis clos tragique et étouffant. Le temps semble suspendu, pas
un souffle d’air.
L’auteur est absolument génial
dans sa capacité à décrire cette attente qui n’en finit pas et ce silence
pesant. Et c’est précisément cette habileté extraordinaire d’Hervé Le Corre à
créer une atmosphère lourde comme du plomb chauffé à blanc qui m’a plu, bien
davantage finalement que l’intrigue elle-même.
L’écrivain parle de la misère
dans ce roman et de tout ce qu’elle charrie avec elle : drogues, trafics,
violence et crimes, de la difficulté aussi de s’en extraire et de passer à
autre chose, malgré toute la bonne volonté que l’on y met, comme un fleuve aux
eaux nauséabondes qui entraînerait irrémédiablement vers la mort tous ceux qui
tenteraient d’échapper à ses flots bouillonnants.
Pour être noir, c’est noir, bien
glauque et ce noir a le visage d’un soleil implacable qui vous projette au sol
et vous empêche de vous relever : impossible de respirer, d’avancer à
découvert sous peine d’être cuit sur place. Chaque pas coûte. La description
que fait Le Corre de ce monde est minutieuse, précise et juste. Il a du flair
et voit clair. Aucun détail ne lui échappe. La violence est brute, entière et
prête à tout.
C’est sordide, malsain au
possible, écoeurant et diabolique. Pas d’éclaircie en vue, pas une once
d’espoir ou alors, faut y croire fort…
Et l’on se sent cerné, sans
échappatoire possible : pris au piège… comme un chien.
Limite si les hommes ont encore quelque chose
d’humain en eux.
La misère, la vraie, matérielle
et morale.
Seule l’orée de la forêt qui
borde la maison apporte un peu de fraîcheur, encore faut-il oser s’y aventurer…
Très déçue par "Tango parano" lus ces derniers jours alors que je n'entends que du bien sur celui-ci...
RépondreSupprimerVirginie
http://mesmiscellanees.blogspot.fr
Je partage tout ce que tu as écrit. Un seul (tout petit) désaccord avec toi : j'ai vu briller une lueur d'espoir. Si tu ne l'as pas déjà lu, je te conseille : Après la guerre, dans un autre genre.
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