Éditions Flammarion
★★★☆☆ (J'ai bien aimé)
Rarement
un titre a aussi bien convenu à un roman : en effet, j'ai lu ce
texte comme une chanson, une espèce de longue plainte dans laquelle
les mots pleurent, les phrases brèves, souvent nominales, comme en
suspens, disent la douleur de la perte, de l'absence.
C'est
l'histoire d'une fille effacée et fragile qui n'a pas eu d'enfance
et dont l'adolescence s'est perdue dans une grande solitude et un
terrible sentiment d'abandon.
Les parents de cette jeune fille qui
pleure ? Des êtres ailleurs, occupés par leur vie hors du
commun : un père musicien, dont les tubes tournent en boucle
sur toutes les radios, une icône vivante sans cesse en tournée, en
répétition, en enregistrement, une vedette adulée qui a tout donné
et qui noie dans l'alcool et la solitude son malaise profond :
« Les chanteurs, en concert, c'est leur peau même, leur
corps entier, leurs mots, l'intérieur de leur cerveau qu'ils mettent
en jeu. Sans filtre. Sans distance. Dans aucune autre forme d'art on
avance à ce point nu, vulnérable. Le chanteur sur
scène, c'est un don brut. Primitif. Un truc de cannibale. »
Et
puis une mère, de passage, une beauté qui a à peine pris le temps
d'embrasser sa fille et s'est évanouie dans des ailleurs de plus en
plus flous, de plus en plus lointains et inaccessibles.
C'est une plainte que l'on entend car ce texte est un long poème, une musique
proche des fados, une lamentation triste à pleurer tellement elle
porte le désespoir de celle qui a le sentiment de n'être plus rien,
sans attache, sans amour.
Errant
dans la vie comme dans les villes, elle est sans cesse à la
recherche d'une amie, d'un père, d'une mère, de bras pour la
consoler, de lèvres pour l'aimer, de mots tendres pour la
réconforter.
Mais rien ne vient vraiment jamais.
D'ailleurs, peut-on
rattraper le temps perdu ? Ce que l'enfance n'a pas donné, la
vie d'adulte peut toujours courir, elle ne compensera jamais
l'absence, l'indifférence, l'oubli. « Je suis cette fille
qui n'a pas besoin d'exister pour vivre. »
Un
jour, ce père superstar disparaît : on retrouve au bord du
fleuve ses affaires. Suicide ? Oui, certainement, ça devait
bien se terminer ainsi, dans un gâchis sans nom et sans même un au
revoir à sa fille.
Rien.
A
l'absence s'ajoute le silence du départ. Insupportable.
Mais
un jour, longtemps après, un ami tend à la fille un
portable : « Tiens c'est drôle, on a croisé ton
père » à Lisbonne. La fille se penche sur la photo floue.
« C'est son sosie en vieux » ajoute-t-il. Oui,
c'est certainement ça, son sosie en vieux. Oui… Peut-être... mais,
si ce clochard céleste, cet homme en guenilles était effectivement
son père ? Si c'était lui ?
Alors la quête commence, la
recherche d'un père qu'elle n'a pas eu et qu'il serait peut-être
temps de rencontrer. N'est-ce pas partir à la recherche d'un
fantôme, d'un être qui n'existe plus depuis longtemps, d'un mort,
d'une ombre ?
Long
poème mélancolique, plainte infinie, délicate, Chanson de la
ville silencieuse s'élève doucement tel
un
fado empreint
d'une nostalgie sourde, d'une tristesse profonde et grave et l'on
entend, longtemps après la lecture, résonner en nous la voix de
celle qui le chante...
Je note : j'ai lu Peine perdue il y a quelques années et avais bien aimé. Ton billet me séduit. Je me laisserai peut-être tentée.
RépondreSupprimerOn est du même avis, chanson triste mais belle ;o)
RépondreSupprimerpas un peu déprimant tout ça?
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