Éditions Stock
traduit de l'anglais par Mathilde Bach
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Il
y a fort longtemps, je m'étais entichée de Carson McCullers au
point de dévorer toute son oeuvre et toutes les biographies à son
sujet. Or, il m'a semblé retrouver dans le dernier roman de Claire
Fuller : Un mariage anglais des éléments qui
m'ont rappelé les textes de l'écrivaine américaine. Quoi
précisément ? Alors là, je vais avoir du mal à justifier ma
pensée car ces lectures commencent à dater, mais peut-être... le
portrait de certains personnages comme Flora, jeune femme sensible,
fragile, un peu en marge, la présence aussi de dialogues parfois
énigmatiques et pas toujours très logiques dans leur progression,
mimant en cela le réel, et enfin une certaine dimension féministe.
J'ai
beaucoup aimé ce roman fondé sur une triple temporalité :
2004, 1992, 1976.
Nous
sommes en 2004 donc : tandis qu'il fouinait dans une librairie
de livres d'occasion à la recherche de la perle rare, Gil Coleman a
cru apercevoir Ingrid, sa femme, dans la rue. Le problème, c'est que
son épouse a disparu en 1992. S'est-elle noyée accidentellement
comme tout le monde le pense, ou bien a-t-elle volontairement quitté
le domicile conjugal pour refaire sa vie ailleurs ?
Des
lettres d'Ingrid datées de 1992 qu'elle destinait à son mari,
préférant lui écrire ce qu'elle n'osait lui dire, lettres qu'elle
a cachées dans différents romans, vont petit à petit livrer au
lecteur leurs secrets et révéler la façon dont en 1976, la jeune
étudiante est tombée amoureuse de son professeur de littérature à
l'université, le séduisant et très séducteur Gil Coleman. C'est
alors que le destin de cette femme qui rêvait de voyager avec son
amie Louise, d'être indépendante et de ne surtout pas suivre le
modèle de sa propre mère va totalement basculer : elle va se
retrouver dans un petit village du sud de l'Angleterre, mariée, avec
deux petites filles et un mari devenu écrivain à succès, souvent
absent. Comment cette femme, Ingrid, va-t-elle faire face à une
situation qu'elle n'avait absolument pas envisagée ?
Ce
que j'ai aimé dans ce roman, c'est que tout se met en place très
progressivement, aussi bien le portrait des personnages que les
événements qui ont eu lieu dans le passé. Le mystère se dévoile
petit à petit et le puzzle prend forme, ce qui tient évidemment le
lecteur en haleine jusqu'au bout.
Par
ailleurs, comme je le disais au début de l'article, j'ai apprécié
la vivacité des dialogues et leur caractère parfois décousu et
ainsi très crédible, notamment lorsque la plus jeune des deux
filles de Gil, Flora, d'un tempérament entier et vif, s'emporte ou
s'interroge avec angoisse sur le sens de la vie et des événements
qu'elle traverse. J'ai trouvé ce personnage, qu'on croirait
directement sorti d'un roman de Carson McCullers, particulièrement
attachant . Elle est entière, spontanée, souvent obstinée et, au
fond, très naïve. Elle n'a pas compris le sens de ce qui se passait
chez elle quand sa mère a disparu et c'est normal puisqu'elle était
très jeune. La voir prendre progressivement conscience de la réalité
est très émouvant. Elle veut croire que la femme que son père a vue sur le trottoir est bien sa mère et s'attache comme elle
peut à ses rêves. Or, la réalité la heurte constamment et souvent
violemment. Proche de son père Gil, elle ressemble, à la réflexion,
beaucoup à sa mère. Quant à sa sœur, Nan, elle en sait peut-être
plus que ce qu'elle veut bien dire sur les événements passés...
Que
cache ce mariage anglais ? De l'amour, c'est certain mais aussi
beaucoup de souffrance, de regrets et surtout, une culpabilité telle
qu'elle torture les êtres au point de les empêcher de vivre.
Je
voulais ajouter aussi deux choses qui me resteront de ce roman :
l'admirable évocation de la nature, notamment de la mer et du
plaisir indicible de nager et d'offrir son corps au mouvement des
vagues.
Enfin
et surtout, l'évocation des livres qui envahissent petit à petit
toute la maison de Gil, des piles et des piles qui atteignent une
hauteur vertigineuse menaçant à tout moment de s'effondrer...
Des
personnages McCullersiens (?), des livres jusqu'au plafond et la mer,
la mer… Tout ce que j'aime au fond !
PS :
J'en profite pour préciser qu'en 2017, les Éditions Stock ont
réédité en grand format les titres suivants : Frankie
Addams, Le
Coeur est un chasseur solitaire, Reflets
dans un œil d'or, L'Horloge
sans aiguilles et La
Ballade du café triste et autres nouvelles.
Ces titres sont préfacés par Arnaud Cathrine, Eva Ionesco, Nelly
Kaprièlan, Véronique Ovaldé.
Celui-ci aussi me tente.
RépondreSupprimerTrès tentée (j'ai beaucoup aimé Frankie Addams de Carson Mccullers)
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