Éditions Denoël
★★★★★(J'ai adoré)
Oh,
quelle belle surprise que ce roman ! Attirée par cette
magnifique photo de couverture, vaste étendue d'eau turquoise dans
laquelle on a envie de se plonger, je m'empare de ce roman sur lequel
je n'ai lu ni entendu aucune critique… Délicieux chemin inconnu…
Impression d'entrer en pays vierge et de jouer aux explorateurs…
(Même si je ne lis aucun commentaire sur un livre avant de m'en
faire moi-même une idée - je me sais tellement influençable que…
- il est néanmoins difficile d'échapper aux étoiles qui
accompagnent les articles et aux commentaires radiophoniques.)
Donc,
je tourne les premières pages de My Bloody Valentine
sans trop savoir où je mets les pieds et là… il suffit de
quelques lignes, je sens que je tiens du bon, du très bon même,
disons-le : l'écriture ciselée, l'atmosphère tendue
et étouffante, le portrait précis et si juste des personnages, les
descriptions d'une telle puissance évocatrice qu'on croirait
partager ces vacances en Corse… En quelques phrases, me voilà
embarquée ! Je ne reposerai le roman qu'après l'avoir
achevé...
Nous
sommes en Corse, c'est l'été. Delphine, dont nous suivrons le point
de vue, professeur des écoles, séparée de son mari, a rencontré
Paul qui, de son côté, a rompu avec Isa pour vivre auprès de sa
nouvelle compagne. Pour la petite Émilie, la fille de Paul,
cette situation n'est pas facile à vivre, d'autant que
pour elle, ce sont ses premières vacances sans sa mère. Ils ont
décidé de partir avec un couple d'amis : Véro et François,
accompagnés de leurs deux ados et de la copine de l'un des deux. De
son côté, Delphine est venue, elle aussi, avec ses deux garçons,
au moins, ils ne vont pas s'ennuyer… les ados aiment être avec
leurs pairs… Même si Delphine se sent vaguement angoissée, elle
se répète - c'est sa méthode Coué - que tout va bien se passer...
Ils
sont donc dix et vont vivre un mois en huis clos dans cette très
belle maison surplombant la mer, au beau milieu d'une végétation
aride et odorante. Le paradis ? Non, pas vraiment… Des
tensions vont vite éclater : les centres d'intérêt et les
valeurs divergent, les revenus des uns ne sont pas ceux des autres et
puis, qui est cette Valentine, à quoi joue cette Lolita d'une beauté
insensée ? Et la petite Émilie, est-elle ange ou démon ?
Et Véro, toujours pendue au téléphone à discuter avec l'ex de
Paul, Isa, que cherche-t-elle au fond ?
Entre
tensions et non-dits, silences pesants et éclats de rire
tonitruants, crises de pleurs et corps enlacés, Christine Détrez
peint très justement les relations complexes qui se nouent entre des
gens qui se connaissent à peine et vont devoir cohabiter pendant un
mois.
La justesse et la précision de son écriture traduisent à merveille cette tension qui va
grandissant, la violence que l'on sent monter progressivement chez
les individus, exacerbée par la chaleur étouffante de l'été et
les senteurs entêtantes de la garrigue.
Et,
puis, franchement, j'ai rarement lu une description si pertinente des ados
de notre époque : c'est DU VÉCU (ou bien, du très très bien
observé - l'auteur est professeur de sociologie!), et je SAIS de
quoi je parle, j'en ai QUATRE (oui, QUATRE) à la maison !
Bluffant de réel ! Dans un sens, ça m'a rassurée, je me suis
dit qu'il n'y a pas que chez moi que le frigo est à remplir tous
les deux jours, les portes de placards continuellement béantes, les
vêtements épars, les plats arrosés de ketchup et le langage
parfois (souvent) à peine compréhensible (en plus de cela, je
deviens sourde, ce qui n'arrange rien !)
Ce
que j'ai trouvé aussi passionnant dans ce texte, ce sont, toujours
latents, omniprésents et clivants, les rapports de classes. Dis-moi
d'où tu viens, je te dirai qui tu es. Impossible d'échapper à ce
qui nous détermine, nous enferme… On n'est pas loin de la tragédie
grecque finalement!
Christine
Détrez, retenez ce nom, car pour un premier roman, c'est un VRAI
coup de maître !
Je l'ai eu en main mais je l'ai reposé. Tu me fais regretter, avec ta jolie chronique !
RépondreSupprimerOh, il ne fallait pas le reposer... C'est un très bon roman dont on n'a pas assez parlé je pense! C'est dommage!
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