Éditions Gallimard
★★★★★ (IMMENSE coup de coeur 💓💓💓)
Lettre
ouverte à Jean-Marie Laclavetine
Monsieur
Laclavetine,
Je
n'avais jamais rien lu de vous. Je ne savais rien de vous non plus ou
pas grand-chose.
Je
vous ai entendu parler pour la première fois le samedi 8 juin 2019
dans le cadre du Festival Étonnants Voyageurs de Saint-Malo. Et ce
que vous avez dit ce jour là m'a bouleversée.
Vous
avez raconté l'histoire de votre sœur Anne-Marie, le long silence
familial qui a suivi sa mort puis, après le décès de vos parents,
votre désir, né d'un rêve, de la retrouver, de savoir qui était
cette sœur que finalement vous n'aviez pas eu le temps de connaître
vraiment. Vous avez parlé aussi de l'étrange fonctionnement de la
mémoire, des fausses pistes sur lesquelles elle vous avait mené et
de votre volonté de ne pas rectifier ce que vous aviez commencé à
écrire et qui, un peu plus tard, s'était révélé faux.
Vos
mots simples, sensibles, votre sincérité, votre émotion, votre
retenue et, en même temps, cette nécessité devenue la vôtre de
dire qui elle était m'ont beaucoup émue. J'aurais aimé vous le
dire mais quand je suis allée sur le stand, l'heure de la dédicace
était passée et vous étiez parti. Heureusement peut-être, car je
me serais sentie bien incapable de vous dire à quel point vous
m'aviez touchée.
Je
viens, ce soir, de finir votre récit et mon émotion est telle que
j'ai bien du mal à trouver mes mots. Car voyez-vous, j'ai fait de
belles, très belles rencontres en lisant votre livre.
Bien
entendu, j'ai fait la connaissance d'Anne-Marie... (Excusez-moi de ne
pas l'appeler Annie comme vous le faites dans votre livre mais
vous-même, à deux reprises, vous l'appelez Anne-Marie...) Quelle
femme attachante et comme vous avez su nous la rendre vivante !
J'ai tellement aimé votre sœur, Monsieur Laclavetine, une femme
entière, drôle, éprise de liberté, coincée dans une époque qui
n'est pas la sienne, mal à l'aise avec les convenances, inventive,
audacieuse, intelligente, indépendante, originale, franche,
spontanée, sensible, inquiète, joyeuse... J'ai observé
attentivement les photos que vous avez eu la très bonne idée de
reproduire dans le livre. J'en aime deux particulièrement :
celle de la page finale où Anne-Marie lève son verre en souriant.
Elle a, je trouve, un air un peu malicieux et semble nous inviter à
vivre, à profiter, à être heureux. Franchement, on a envie de
trinquer avec elle « à la vie ».
Cette
photo m'a fait pleurer.
Je
retiens aussi la photo de la page 167 : Anne-Marie est très
belle. Elle fait très jeune, a les joues un peu rondes et un air
très doux. On a envie de la connaître, de l'approcher, de parler
avec elle.
J'ai
donc rencontré votre sœur et le portrait que vous en faites est
tellement magnifique. Quel hommage superbe vous lui offrez là !
L'évocation de votre rencontre avec Gilles est bouleversante… Mais
il ne faut pas que j'en dise trop.
J'ai
aussi rencontré dans ce livre votre famille, et notamment vos
parents. C'est toute une époque et un milieu que vous peignez
admirablement… Les lettres que s'échangeaient vos parents et qui
témoignent de l'amour qu'ils se portaient l'un à l'autre sont d'une
beauté absolue (quelle magnifique écriture!) et tellement tellement
émouvantes. Le portrait que vous faites de votre père est très
touchant : on le sent parfois désarçonné par cette fille,
votre sœur, qu'il aime infiniment mais qu'il a parfois du mal à
comprendre… Vous avez tellement bien exprimé la sensibilité de
cet homme, sa souffrance d'être éloigné de sa famille, sa volonté
de réussir dans son travail pour que les siens soient fiers de lui,
et son courage aussi.
Et
puis, c'est aussi vous-même que j'ai commencé à connaître. Moi
qui savais si peu de choses de vous, j'ai l'impression d'avoir vécu
les tourments que vous avez pu ressentir au moment de l'écriture,
vos interrogations sur le projet même de ce livre et la lente
approche de celle que vous souhaitiez retrouver, apprendre à
connaître et à qui vous vouliez peut-être aussi rendre, grâce à
la magie de l'écriture, un peu de la vie qu'elle avait perdue.
Je
crois qu'elle aurait aimé lire ce livre, qu'elle vous aurait
certainement disputé un peu d'avoir révélé quelques-uns de ses
secrets mais que, vous voyant un brin ennuyé, elle aurait éclaté
de rire car au fond, j'en suis certaine, elle aurait été très fière
de ce magnifique portrait de femme moderne et libre que vous avez
fait d'elle.
Merci,
Monsieur Laclavetine, pour ce livre exceptionnel et ces êtres
fabuleux que vous m'avez permis de rencontrer. Ils m'ont touchée au
fond du coeur et je ne les oublierai jamais.
(J'ai
bien conscience à la fois de me répéter et de sembler un peu
bébête dans l'évocation de mon émotion mais tant pis, j'assume!)
Je viens de terminer "J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi" qui est un texte fort sur le génocide rwandais, et j'ai comme l'impression que je vais continuer à être secouée: ce billet m'a furieusement donné envie de lire ce livre!
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