Éditions Albin Michel
★★★★☆ (j'ai bien aimé)
Vanda
a vue sur la Méditerranée… Plus exactement le cabanon vétuste
dans lequel vit Vanda s'ouvre sur la Méditerranée dans laquelle
elle plonge pour oublier un quotidien douloureux : un boulot
précaire et mal payé de femme de ménage dans un hôpital
psychiatrique, un logement décrépi et sans fenêtres qui ressemble
à tout sauf à un vrai logement, une voiture en fin de vie qui
menace à tout moment de la laisser en rade sur le bord de la route…
À
cela s'ajoute le retour inattendu d'un homme qu'elle connaît bien,
qu'elle a aimé, il y a sept ans, autant dire dans une autre vie, et
qu'elle a perdu de vue. C'est du passé tout ça… Et le voir
revenir là où elle vit, à Marseille, la rend mal à l'aise...
Il
veut boire un verre avec elle. Elle n'est pas plus emballée que ça.
De l'eau a coulé sous les ponts depuis ce temps-là. Elle a tourné
la page et lui d'ailleurs s'est trouvé une petite Parisienne avec
qui il vit. Alors à quoi bon se revoir ? Pour dire quoi ?
Elle finit par accepter, pour être sympa. Elle a appris qu'il était
là pour l'enterrement de sa mère. Elle est devant lui maintenant et
boit son coca. Ils n'ont pas grand-chose à se dire. Elle s'en
doutait. La conversation patine autour de deux trois banalités.
Et
puis, tout à coup :
« -
J'imagine que tu veux voir Noé ?
-
Qui ?
-
Ton fils. »
Vanda
est l'histoire de cette femme marginale qui a élevé seule son
enfant, luttant chaque jour parce que le quotidien n'est pas
réjouissant et qu'une galère en appelle forcément une autre… Ça
s'appelle la loi des séries… Accumulant ici et là des petits
boulots mal payés, des fins de mois impossibles, des emmerdes, des
errances, elle se bat bec et ongles pour protéger son enfant et sa
liberté… Une vraie tigresse qui gueule sans cesse, résiste comme
elle peut, se débat dans un monde étriqué, normé, injuste, bref
pas fait pour elle.
Mais
Vanda, c'est aussi l'histoire de Simon, ce père qui ne
savait pas qu'il était père et qui comprend, en même temps qu'il
fait la connaissance de son fils, qu'au fond, sa vie parisienne n'a
pas beaucoup de sens, qu'il s'est leurré et a peut-être fait fausse
route. Son malaise est profond, violent, douloureux. Après avoir
réglé les affaires de sa mère, il doit rentrer à Paris. Pourtant,
il reste. Retourne voir Vanda. Voir son fils.
Et
Vanda n'en peut plus de cet homme qui s'immisce chaque jour davantage
dans sa vie, sa vie à deux, avec Noé.
Marion
Brunet a incontestablement une écriture qui cogne, heurte, fait mal.
La phrase est rythmée, heurtée. Elle mime un réel violent,
douloureux, fait de coups et de chocs, de querelles et de
malentendus. Et le lecteur est saisi, accroche, craint le pire pour
cette femme prise au piège dans un monde cruel et impitoyable pour
les petits, les laissés-pour-compte, ceux qui tentent de maintenir
leur tête hors de l'eau parce qu'ils ne savent pas nager et refusent
de couler. Vanda est de ce monde. À chaque pas de côté (et ils
sont nombreux), ivre de colère, emportée par la fureur, elle frôle
le ravin, le sait, mais, la peur au ventre et la rage au coeur, elle
continue à longer le bord, comme pour jouer avec une vie qui ne lui
fait pas de cadeau. Elle est tragique, Vanda, et l'on sent qu'à tout
moment, sa vie peut définitivement basculer...
Un
texte brutal, acéré, puissant qui traduit bien le côté animal et
instinctif de Vanda, la sauvagerie dont elle est capable lorsque l'on
s'approche de ce fils dont elle est folle d'amour…
Même
si c'est son père…
La
dimension sociale, engagée, du roman fait sans cesse référence à
l'actualité : gilets jaunes, précarité de l'emploi,
souffrances de l'hôpital public… La crise est là et Vanda en est
la victime… D'aucuns diraient qu'elle l'a cherché et qu'au fond,
tout est de sa faute. Peut-être un peu aussi…
Un
roman intense et glacial, reflet du monde terrible qui est le
nôtre...
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