Pour que derrière des statistiques, émergent des visages d'hommes, de femmes, d'enfants...
Ces échoués, ce sont Virgil qui vient de Torjeuci en Moldavie, Assan et sa fille Iman qui ont fui Mogadiscio en Somalie et Chanchal qui a quitté le Bangladesh: tous trois ont échoué à ... Villeneuve le Roi, Val de Marne.
Pascal Manoukian nous livre le récit inimaginable de ce qu'ils ont vécu dans leur pays, sur le trajet qui les a menés en France et de leur survie au quotidien. Inimaginable car d'une violence ahurissante, impensable, absolument innommable: je fus en effet sans voix à la lecture de ce que ces gens subissent.
Pour Virgil, la Moldavie, ce sont des années de communisme qui ont laissé le pays exsangue, affamé, endetté, sans route, sans hommes "partis jouer les bêtes de somme sur les chantiers d'Europe". Il ne reste que des mères qui "vendent les reins de leurs enfants pour survivre" et la mafia qui boit du champagne.
Mogadiscio, après la chute du général Siyaad Barre "n'avait plus ni Dieu ni maître": les pillards et les violeurs sèment la terreur. Des bandes de gamins armés de kalachnikovs et drogués tirent sur tout ce qui bouge.
Enfin, Dacca au Bangladesh est un lieu où règne une pauvreté insondable à laquelle il faut ajouter des cyclones à répétition qui balayent tout sur leur passage et qui font jusqu'à cinq mille morts.
Donc, il faut partir, tenter sa chance, si l'on peut dire, ailleurs, essayer de survivre.
La route, c'est huit mille kilomètres, un an de marche pour Assan et les autres, une pure souffrance car l'on risque à tout moment d'étouffer, de se noyer, de mourir de faim, de soif, d'être violé, assassiné, volé, dévoré.
Puis, l'arrivée: un trou dans la forêt de Sénart pour dormir, un travail d'esclave sous-payé et parfois même non payé, des coups et la nécessité de se cacher encore et toujours, parce que comme le dit l'un de ces migrants:" Ce qu'il y a de pire chez vous est encore mieux que ce qu'il y a de meilleur chez nous."
Je n'oublierai jamais ces personnages: Virgil, Assan, Aman, Chanchal et les autres: Violetta, les effeuilleurs de roses et ceux dont on ne parle pas, qui sont partis un jour sur les routes pour ne jamais arriver.
Merci à Céline et Olivier de m'avoir permis de découvrir ces personnages...
On se prend un véritable coup de poing en lisant ce roman. Mais il me semble incontournable, au vu de ce qui se passe aujourd'hui.
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