Édition Rouergue noir
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Je
ne sais pas comment ils font chez Rouergue mais c'est bien simple :
je ne suis jamais déçue par leurs publications, que ce soit
littérature générale ou polars. Et une fois de plus, avec Enfants
de La Meute de Jérémy Bouquin : bingo ! Ce roman
m'a soufflée ! Mais d'abord, il faut que je vous prévienne,
c'est noir, noir de chez noir même si l'on est au coeur de l'été
et que tous les personnages crèvent de chaud. Quel rythme, quelle
vivacité dans les dialogues, quelle construction narrative !…
Tout nous est révélé au compte-gouttes, au détour d'une phrase et
l'on reste pantois, estomaqué, médusé : on relit en se
disant, non, ce n'est pas possible. Jérémy Bouquin (quel nom génial
pour un écrivain!) n'a peur de rien : pas de tabous. Rien n'est
intouchable, inviolable. Alors, si vous êtes prêts, accrochez vos
ceintures, on va démarrer…
Ils
sont deux dans la voiture : un gamin qui pigne parce qu'il a une
envie pressante (« Des plombes qu'il me tanne pour pisser »,
phrase d'ouverture du roman...) et un homme qui n'a pas l'intention
de s'arrêter. Ils n'ont pas l'air de se connaître plus que ça, ces
deux-là. L'homme finit pas stopper la voiture. Le gamin descend,
fait ce qu'il a à faire, remonte. Maintenant, il a faim et se jette
sur ce qu'ils ont acheté à l'arrache sur une aire d'autoroute. La
voiture tourne en rond, le moteur chauffe, les roues s'enlisent sur
l'asphalte qui fond, l'homme est perdu. Ils ont quitté l'autoroute
voilà une heure et ils ont commencé à gravir la montagne. Mais
l'homme n'a plus de repères. Et pourtant, ce coin, il le connaît,
il le connaît même très bien : il y a passé du temps quand
il était jeune. Alors, quand son pote, Joe, lui a demandé de
planquer le gamin, il a tout de suite pensé à ce trou paumé.
Ils
repartent, maintenant le gamin vomit, les virages, c'est pas top pour
digérer. L'homme est furieux, le cuir de sa belle bagnole sera
irrécupérable. Enfin, ils arrivent au village « La Meute »,
il faut encore trouver la cabane, l'espèce de taudis minable où vit
le vieux que l'homme appelle papy et dont il dit au gamin, pour le
rassurer, qu'il est très gentil. Je ne sais pas si c'est le mot qui
convient mais bon… C'est le début du roman, on y croit encore...
Qui
est ce paria qui vit coupé de la civilisation au fin fond des bois
avec son fusil et son chien ? Qui est cet homme qui peste depuis
le début après un gamin qu'il connaît à peine ? Pourquoi
doit-il cacher ce gosse terrifié qui réclame sa mère ?
Enfants
de La Meute est un huis clos étouffant : tout est
tension, silences, non-dits, sentiments refoulés. Ah, quand le passé
refait surface, ce n'est pas toujours très bon...
La
violence est là, prête à surgir d'un coup lors d'une nuit d'orage,
dans une atmosphère de fin du monde, une violence terrible qui
frappe quand vous ne l'attendez pas. On est dans une tragédie. Un
monde sans pitié. Un monde de fureur et de haine où tout est permis
même le pire. Les mots crus, les dialogues bruts, l'écriture
ciselée, rythmée et nerveuse happent le lecteur, lui envoient un
direct en pleine poire, le réalisme social et la précision de la
description sidèrent, l'effet de réel en devient saisissant, le
suspense (la construction est excellente) est tel qu'il est
impossible de reposer le bouquin (le livre, pas l'auteur… ah, ah)
Vous
sortirez de là complètement sonnés mais bon… je vous aurai
prévenus !
En effet, on a eu le même ressenti. En revanche, j'ai lu Femme de ménage ensuite et j'ai nettement moins aimé.
RépondreSupprimerMaeve