Éditions Seuil
Trois voix : Papa, les
garçons, Corbeau.
Maman vient de mourir, Papa est
« aussi vidé qu'un pendu », détruit, anéanti. Les garçons n'y
comprennent rien.
Devenus orphelins, ils
proclament : « Nous remplirons cette maison de livres et de
jouets et nous sangloterons comme si on nous avait oubliés à la
garderie. »
Elle n'est plus là et le père
hurle de douleur : « Elle me manque tant, c'est une immense
stèle d'or, une salle de concert, un millier d'arbres, un lac, neuf mille bus,
un million de voitures, vingt millions d'oiseaux et plus encore. La ville
entière est ce qu'elle me manque. » Hyperboles de douleur. Il regrette
« la dentelle délicate de nos chamailleries ». Et les garçons ont
remarqué : « Papa nous racontait des histoires et les histoires
ont changé quand papa a changé. »
Mais, la porte s'ouvre et
l'oiseau de malheur entre. CHHHHHHHHHHT. Que vient-il faire ? Non,
l'oiseau, c'est complet, il n'y a plus de place pour le malheur, il s'est
répandu partout : sous les lits, sur le canapé, dans l'air : ils le
respirent le malheur, l'oiseau, laisse-les tranquilles. « Chaque surface
Maman est morte, chaque feutre, tracteur, manteau, botte, tout couvert d'une
pellicule de douleur. » Va-t-en l'oiseau, laisse-les en paix...
Mais l'oiseau murmure à l'oreille
de Papa : « Je ne partirai pas tant que tu auras besoin de
moi. », il soulève la couette et fait « un baiser eskimo »
et « un baiser papillon » à Papa endormi. Le Corbeau, le méchant
Corbeau, vient panser les plaies, soigner le corps et l'âme, offrir « une
petite pause dans le chagrin. » Il murmure à Papa : « Je te
donnerai de quoi occuper tes pensées. »
Mwolloooa, mwolloooa, a-t-il
ajouté.
Etrange et irrésistible
roman-fable ou poésie-théâtrale qui met en scène un corbeau
« psychanalyste » et « baby-sitter » (pratique non?), qui
s'installe dans la maison et « feuillette des livres d'images et des
recueils de poèmes » et surtout veille sur le Papa et les petits, une
espèce de corbeau-poule (si,si!) qui raconte des histoires sans queue ni tête,
ni bec ni ongles et qui joue avec les mots, dans des termes parfois un peu
vulgaires, souvent poétiques et si tendres. Mots qui apaisent et qui soignent.
On se sent à la fois chez Ionesco et les surréalistes. Le rire est toujours à
portée de main même quand l'émotion nous anéantit.
Étrange petit texte qui gagne à
être lu et relu (signe d'une grande richesse) et à être dit peut-être aussi car
les voix s'entremêlent, et se croisent, se superposent et se méditent.
L'oiseau de malheur apporte la
paix, fait diversion, amuse les garçons.
Accueillez-le, écoutez-le. Il
donne de bons conseils. Il dit : « Soyez sage et écoutez les
oiseaux. »
Il sait partir quand il est
temps.
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