Allary Éditions
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Un
petit livre tout simple et extrêmement touchant : la narratrice
évoque la séparation de ses parents lorsqu'elle était encore une
jeune adolescente et la peine qu'elle ressent encore alors qu'elle
est devenue adulte et qu'elle a elle-même des enfants.
« Mon
enfance m'apparaît comme scindée en deux. Pourtant une séparation
n'est pas une mort brutale. J'avais depuis longtemps conscience des
difficultés que rencontraient mes parents et cela faisait quelques
semaines qu'ils m'avaient fait part de leur décision. Je savais.
Mais jusqu'à la dernière minute, j'avais espéré. »
Il
y a eu un avant fait de joies, de vacances ensemble, de sorties chez
des amis, de couleurs et de bruits, d'insouciance, de sérénité et
de bonheur et un après, rongé par l'angoisse, le désarroi,
l'incompréhension, la culpabilité, une vie plus triste et plus
terne, plus seule et plus silencieuse. Entre les deux : elle, ce
qui « reste » d'une certaine façon d'une union qui n'est
plus, de quelque chose qui semble disparu à jamais.
Les
mots choisis par l'auteur pour évoquer ce qu'elle a vécu comme un
véritable déchirement portent toute sa douleur contenue, sa
souffrance tue. Le ton est grave. On sent à quel point son enfance
fut meurtrie par cette séparation mais, et c'est là que réside, je
pense, toute l'originalité de l'oeuvre, cette douleur perdure dans
l'âge adulte. On se dit que le divorce, fait de société, ne
devrait en aucun cas être « banalisé » : on mesure
mal, en effet, le déchirement vécu par l'enfant et la plaie qu'il
portera encore adulte. Parce que, nous dit Sophie Lemp, cette
séparation aura un impact sur notre vie d'adulte.
« Pour
ses onze ans, ma fille a voulu réunir ses grands-parents. Ils ont
accepté et nous avons dîné tous ensemble. A la fin de la soirée,
elle est allée chercher son Polaroïd et nous a demandé de nous
installer sur le canapé. Mon père s'est retrouvé près de ma mère.
Quand il l'a remarqué, il a changé de place. Il n'a rien dit, mais
j'ai compris qu'il ne voulait pas être à côté d'elle. Plus tard,
seule dans la cuisine, j'ai pleuré. Je n'avais plus trente-sept ans,
je n'étais plus une jeune femme, je n'étais plus la mère de mes
enfants. J'étais seulement la fille de mes parents et ils avaient
divorcé. »
C'est
avec des mots pleins de pudeur et de sensibilité que l'auteur,
inconsolable, laisse entendre toute la douleur encore vive qui émane
de cette plaie qui ne cicatrisera sans doute jamais et qu'elle porte
chaque jour, espèce de fardeau éternel, tourment perpétuel : « …
comme un jour j'ai cessé de dire mes parents, je ne dirai
jamais à mes filles vos grands-parents. »
Et
ce livre, peut-être, comme une dernière façon de les réunir,
malgré eux.
Très,
très émouvant.
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