Les Éditions de Minuit
★★★★★ (coup de coeur!)
Ce
livre-là est à lire d'une seule traite, d'un seul souffle, d'une
seule respiration que l'on retiendrait, par peur de tourner la page.
Et si tout finissait mal ? Et si elles ne parvenaient pas à
garder la tête hors de l'eau ? Et si elles perdaient pied
soudain et coulaient, submergées par cette passion qui les brûle,
les dévore et les tuera peut-être ?
Derrière
ce « elles », il n'y a qu'un nom : Sarah.
L'autre est un « je ». On ne saura jamais comment
elle s'appelle, son compagnon et son enfant resteront aussi anonymes…
Sarah efface tout, occulte tout. Elle prend la place, celle des
autres d'abord et d'une certaine façon, tel un vampire, elle aspire
aussi la vie de la narratrice.
Cela
s'appelle une passion amoureuse. On le sait, c'est dévastateur.
Lire
les premières lignes de ce roman revient à se jeter dans une espèce
de tourbillon, à être pris dans une tourmente dont il est
impossible de s'extraire.
La
narratrice raconte, en oubliant presque de reprendre son souffle,
dans un « je » et un présent qui deviennent vite
les nôtres, sa rencontre avec Sarah, ce soir de réveillon, chez des
gens guindés, ennuyeux et morts.
Tout
à coup, elle est entrée. La folie Sarah a surgi, entraînant dans
son sillage, la lumière, l'éclat, la vie.
La
narratrice répète inlassablement ce nom qui s'infiltre doucement en
nous. « Sarah », cette femme-enfant musicienne qui
finit par nous séduire, par nous tirer par la manche et nous
entraîner dans son mouvement. Elle nous manquera, à nous aussi,
dans la deuxième partie du livre. Vous en ferez l'étrange
expérience...
Sarah
est vivante et déborde de partout : elle parle fort et mal,
fume trop, boit trop. Elle pleure et rit beaucoup. Rien n'est mesuré,
compté, calculé.
« Elle
est vivante » aime répéter cette narratrice affolée par
ces excès, cette démesure, une narratrice un peu perdue, bousculée
et projetée, presque malgré elle, en dehors de sa vie, de son
train-train, par l'ouragan Sarah.
Dans
ce monde un peu tiédasse, un peu terne, ce monde qui ne vaut pas
vraiment le coup d'être vécu, Sarah est celle qui met de la
couleur, du mouvement, du bruit. Elle bouscule les codes, fait tomber
les barrières, franchit les limites. Et vous aspire dans son
sillage.
« Elle
est vivante. »
Et
la narratrice se rend compte qu'elle préfère être avec elle,
l'amie, plutôt qu'avec lui, le compagnon. Elle aime Sarah. Mais ce
n'est pas facile de mettre les mots sur ce qui vous arrive, de
s'avouer la chose, de supporter le raz de marée qui s'empare de
toute votre personne et assiège tout votre être.
Elle
se donnera. À corps
perdu.
C'est
l'amour fou, l'émerveillement au quotidien, l'enchantement. Une
espèce de communion, un truc qu'on ne peut même pas nommer. Et que
tout le monde ne vivra pas. Un amour qui remet tout en cause :
le travail, les amis, l'enfant, le conjoint, la famille.
Tout.
Sarah
remplace tout, fait le vide peu à peu. La narratrice est prise dans
le tourbillon Sarah, la tornade Sarah. L'obsession pour cette « drôle
de fille » se transforme très vite en « une
révélation, une lumière, une épiphanie. » Elle est une
déesse, elle est sacrée : « Elle serait la femme
idéale, la femme ténébreuse et splendide, une icône.»
« Après
la première nuit, être loin d'elle devient une aberration. »
« Elle
me respire, elle m'aspire, ça raconte ça : le souffle, le
soufre, la tempête. »
Et
cette écriture, presque incantatoire, m'a bouleversée. De cette
histoire d'amour, j'ai goûté chaque page comme on lit un poème,
parce que chaque page est un poème. J'ai eu peur d'avancer, de
connaître la fin. On le sait, l'intensité, la puissance va finir
par craquer, par exploser. Ça ne peut que mal tourner, ce genre
d'histoire. Et pourtant cette fin, on la connaît dès le début.
Mais on l'oublie, on revit la rencontre et cette scène sublime
efface tout. Nous sommes emportés par les mots, le rythme des
phrases, le souffle de vie dont chaque syllabe et chaque silence
semblent emplis.
Je
suis sortie de cette lecture, vidée, fourbue, effarée.
Avec
l'envie de reprendre tout depuis le début, de me relancer dans le
tourbillon comme on veut faire un second tour de manège et que la
tête nous tourne déjà un peu.
Ce
dont je ne me suis pas privée.
Si
Sarah est vivante, ce livre l'est bien autant qu'elle.
Son
coeur pulse à chaque page.
Et
c'est sublime.
Avis totalement partagé!
RépondreSupprimerOui on ressort complètement secoué par cette lecture en se disant que des romans sur l'amour, la passion on en a lus, mais si je devais n'en citer qu'un seul ce serait celui-ci!!! Claire
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