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mercredi 26 septembre 2018

Ça raconte Sarah de Pauline Delabroy-Allard


Les Éditions de Minuit
★★★★★ (coup de coeur!)

Ce livre-là est à lire d'une seule traite, d'un seul souffle, d'une seule respiration que l'on retiendrait, par peur de tourner la page. Et si tout finissait mal ? Et si elles ne parvenaient pas à garder la tête hors de l'eau ? Et si elles perdaient pied soudain et coulaient, submergées par cette passion qui les brûle, les dévore et les tuera peut-être ?
Derrière ce « elles », il n'y a qu'un nom : Sarah. L'autre est un « je ». On ne saura jamais comment elle s'appelle, son compagnon et son enfant resteront aussi anonymes… Sarah efface tout, occulte tout. Elle prend la place, celle des autres d'abord et d'une certaine façon, tel un vampire, elle aspire aussi la vie de la narratrice.
Cela s'appelle une passion amoureuse. On le sait, c'est dévastateur.
Lire les premières lignes de ce roman revient à se jeter dans une espèce de tourbillon, à être pris dans une tourmente dont il est impossible de s'extraire.
La narratrice raconte, en oubliant presque de reprendre son souffle, dans un « je » et un présent qui deviennent vite les nôtres, sa rencontre avec Sarah, ce soir de réveillon, chez des gens guindés, ennuyeux et morts.
Tout à coup, elle est entrée. La folie Sarah a surgi, entraînant dans son sillage, la lumière, l'éclat, la vie.
La narratrice répète inlassablement ce nom qui s'infiltre doucement en nous. « Sarah », cette femme-enfant musicienne qui finit par nous séduire, par nous tirer par la manche et nous entraîner dans son mouvement. Elle nous manquera, à nous aussi, dans la deuxième partie du livre. Vous en ferez l'étrange expérience...
Sarah est vivante et déborde de partout : elle parle fort et mal, fume trop, boit trop. Elle pleure et rit beaucoup. Rien n'est mesuré, compté, calculé.
« Elle est vivante » aime répéter cette narratrice affolée par ces excès, cette démesure, une narratrice un peu perdue, bousculée et projetée, presque malgré elle, en dehors de sa vie, de son train-train, par l'ouragan Sarah.
Dans ce monde un peu tiédasse, un peu terne, ce monde qui ne vaut pas vraiment le coup d'être vécu, Sarah est celle qui met de la couleur, du mouvement, du bruit. Elle bouscule les codes, fait tomber les barrières, franchit les limites. Et vous aspire dans son sillage.
« Elle est vivante. »
Et la narratrice se rend compte qu'elle préfère être avec elle, l'amie, plutôt qu'avec lui, le compagnon. Elle aime Sarah. Mais ce n'est pas facile de mettre les mots sur ce qui vous arrive, de s'avouer la chose, de supporter le raz de marée qui s'empare de toute votre personne et assiège tout votre être.
Elle se donnera. À corps perdu.
C'est l'amour fou, l'émerveillement au quotidien, l'enchantement. Une espèce de communion, un truc qu'on ne peut même pas nommer. Et que tout le monde ne vivra pas. Un amour qui remet tout en cause : le travail, les amis, l'enfant, le conjoint, la famille.
Tout.
Sarah remplace tout, fait le vide peu à peu. La narratrice est prise dans le tourbillon Sarah, la tornade Sarah. L'obsession pour cette « drôle de fille » se transforme très vite en « une révélation, une lumière, une épiphanie. » Elle est une déesse, elle est sacrée : « Elle serait la femme idéale, la femme ténébreuse et splendide, une icône.»
« Après la première nuit, être loin d'elle devient une aberration. »
« Elle me respire, elle m'aspire, ça raconte ça : le souffle, le soufre, la tempête. »
Et cette écriture, presque incantatoire, m'a bouleversée. De cette histoire d'amour, j'ai goûté chaque page comme on lit un poème, parce que chaque page est un poème. J'ai eu peur d'avancer, de connaître la fin. On le sait, l'intensité, la puissance va finir par craquer, par exploser. Ça ne peut que mal tourner, ce genre d'histoire. Et pourtant cette fin, on la connaît dès le début. Mais on l'oublie, on revit la rencontre et cette scène sublime efface tout. Nous sommes emportés par les mots, le rythme des phrases, le souffle de vie dont chaque syllabe et chaque silence semblent emplis.
Je suis sortie de cette lecture, vidée, fourbue, effarée.
Avec l'envie de reprendre tout depuis le début, de me relancer dans le tourbillon comme on veut faire un second tour de manège et que la tête nous tourne déjà un peu.
Ce dont je ne me suis pas privée.
Si Sarah est vivante, ce livre l'est bien autant qu'elle.
Son coeur pulse à chaque page.
Et c'est sublime.






2 commentaires:

  1. Avis totalement partagé!

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  2. Oui on ressort complètement secoué par cette lecture en se disant que des romans sur l'amour, la passion on en a lus, mais si je devais n'en citer qu'un seul ce serait celui-ci!!! Claire

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