Éditions Rivages
(J'ai beaucoup aimé)
Très
vite, l'ambiance est posée : Tommy est un ado qui va mal. Il a
ses raisons que l'on découvrira plus tard. En attendant, on se
demande quel geste terrible il va commettre, quel animal il va
torturer et finir par tuer dans une jouissance infinie, quelle femme
il va suivre et observer à son insu, prenant ses désirs pour la
réalité. Un malade ce Tommy, un vrai psychopathe souffrant
d'hallucinations fréquentes qui l'empêchent de vivre normalement.
Pourquoi est-il obsédé par son père mort depuis plusieurs années
et dont le fantôme semble revenir vers lui pour le terroriser ?
Qu'a-t-il subi, enfant, pour en arriver là ? Pourquoi n'a-t-il
jamais été soigné ? Pourtant ce garçon a une mère, une
certaine Norma qui semble a priori équilibrée - quoique, est-on
tout à fait normale quand on ne pense qu'à inscrire sa fille à un
concours de miss pour qu'elle réussisse l'exploit d'obtenir le
premier prix de beauté ? Quand on s'accroche à des rêves
aussi futiles que dérisoires ?
Qui
est Norma, cette veuve et mère de trois enfants : Graham, Tommy
et la jeune Cindy ? Se résume-t-elle à ses monologues
superficiels sur la robe à paillettes que portera sa fille le jour
J ? N'est-elle qu'une « desperate housewife »
s'efforçant de tenir au mieux sa jolie maison plantée au milieu de
champs de maïs écrasés par la chaleur de l'été et dont les
feuilles n'aspirent qu'à couper les chairs de ceux qui s'y
aventureraient ? Doit-on rire de sa bêtise, de ses propos creux
ou bien doit-on la plaindre d'être ainsi engluée dans un Kansas
étouffant et comme hors du temps où l'on meurt à petit feu?
Qui
sont les gens, qu'ont-ils vécu et jusqu'où sont-ils capables
d'aller pour protéger ceux qu'ils aiment ?
Car
au fond, Helena
nous parle d'amour, de ceux qui en ont reçu, de ceux qui en ont
manqué et qui ont tenté de s'en sortir comme ils le pouvaient,
oubliant que, sans amour, se construire est tout simplement
impossible. On peut toujours tenter. Se battre. En vain. Une vraie
tragédie : on n'échappe pas à son destin, à ce qu'a fait de
nous notre enfance. On en porte le fardeau jusqu'à la fin de sa vie.
Et c'est ça, précisément, le sujet central du roman de Jérémy
Fel.
Dans
une Amérique de carton-pâte, les personnages, un brin caricaturaux
(mais pourquoi pas ?) se débattent comme ils peuvent avec la
vie et celle-ci ne leur fait pas de cadeaux, c'est le moins que l'on
puisse dire ! Sont-ils des victimes ou des bourreaux ? On
ne sait plus au fond, la frontière est bien floue et l'on passe
souvent d'un état à l'autre.
Seule
l'envie d'aller ailleurs leur permet d'espérer quelque chose de
nouveau. Parce qu'ici, la terre est comme pourrie, elle porte les
stigmates des horreurs du passé, on ne construit rien là où des
meurtres ont eu lieu. Il faut partir mais tout n'est pas si simple.
Le passé rattrape vite ceux qui veulent fuir et les empêche de
devenir autres. Pris au piège, ficelés, pieds et poings liés.
Tous ?
Peut-être
pas.
Un
texte très américain dans sa forme et qu'on lit, dans un premier
temps au moins, comme un thriller psychologique, auquel s'ajoute un
suspense terrible qui se résume à trois mots : qui est
Helena ?
Que
le lecteur se rassure, la réponse viendra à temps, éclairant le
sens même de l'oeuvre, lui donnant une dimension que l'on n'avait
pas forcément soupçonnée dès le début et qui dépasse largement
le thriller qui nous a tenus en haleine.
Un
roman dérangeant, puissant pour des raisons qui ne sont pas
forcément celles auxquelles on croit au départ et sombre, bien plus
sombre qu'on ne l'imagine en réalité.
Une
réussite !
Il me fait envie celui-là, on en entend beaucoup parler ! As-tu lu son précédent ?
RépondreSupprimerEh bien oui, je l'avais lu mais... je n'avais pas aimé! En fait, il faudrait que je le relise pour faire le point...
RépondreSupprimerMerci pour ton message! A bientôt,
Marie-Laure