Éditions Glénat
★★★★★ (trouble et fascinant)
Autant
commencer par vous prévenir : vous ne refermerez pas ce roman
graphique avant de l'avoir achevé car vous allez être complètement
happé par ce thriller psychologique très hitchcockien qui met en
scène des personnages complexes et complètement fascinants.
Commençons
par le commencement : nous découvrons tout d'abord une jeune
fille errant dans une zone pavillonnaire, la nuit, un couteau à la
main, les vêtements tachés de sang et le regard vide. Elle est tout
de suite identifiée par deux policiers en patrouille comme étant la
petite Grimaud, une gamine surnommée « la débile ». La
police découvrira quelques pages plus loin qu'elle est certainement
l'auteur d'un véritable massacre : toute sa famille gît à
terre mortellement blessée, sauf peut-être l'un d'entre eux.
Un bond temporel de deux pages nous propulse six ans plus tard, dans la chambre d'un hôpital : une jeune aide-soignante s'occupe de la toilette d'un beau garçon blond au visage angélique qui semble plongé dans le coma. Elle lui parle, s'interroge sur ce qu'il était, un pianiste peut-être, imagine-t-elle en observant ses longues mains fines, pose deux doigts sur ses lèvres, se penche pour l'embrasser et constate avec surprise qu'il ouvre un œil.
Un bond temporel de deux pages nous propulse six ans plus tard, dans la chambre d'un hôpital : une jeune aide-soignante s'occupe de la toilette d'un beau garçon blond au visage angélique qui semble plongé dans le coma. Elle lui parle, s'interroge sur ce qu'il était, un pianiste peut-être, imagine-t-elle en observant ses longues mains fines, pose deux doigts sur ses lèvres, se penche pour l'embrasser et constate avec surprise qu'il ouvre un œil.
Lui,
c'est Pierre Grimaud : il est le seul survivant de cette
monstrueuse tuerie nommée par la presse « le massacre des
corneilles » et il va être aidé par une psychologue
spécialisée dans les troubles de stress post-traumatiques, Anna
Kieffer, dont on apprend très vite qu'elle ne dépend pas de
l'hôpital où a été admis Pierre, qu'elle fait même deux heures
de route pour s'y rendre. Mais c'est elle qui a été nommée pour
s'occuper de ce garçon : en effet, elle est aussi spécialisée
dans la psycho-criminologie et la victimologie, collabore
régulièrement avec la police et a suivi la sœur de Pierre, Laura
Grimaud.
Elle
va tenter, grâce à l'hypnose, de faire parler le jeune homme en le
replongeant dans ses souvenirs afin de comprendre enfin ce qui s'est
passé ce soir-là.
Ce
qui m'a frappée dans ce roman graphique, outre la parfaite
construction du scénario, le suspense impressionnant qui en découle,
les jeux habiles sur la temporalité et les fausses pistes sur
lesquelles nous lance régulièrement l'auteur, c'est, comme je le
disais au début, la complexité psychologique des personnages et les
relations extrêmement troubles qu'ils entretiennent entre eux au
point que l'on s'interroge, jusqu'à la fin du roman graphique, sur
ce qu'ils sont vraiment.
Jeux
ambigus de séduction, manipulations malsaines et relations
équivoques de domination/soumission finissent par nous pousser à
nous interroger sur qui est la victime, qui est le coupable. Encore
une fois, rien n'est simple dans cet imbroglio où les apparences
sont trompeuses, où les êtres semblent porter un masque, où
conscient et inconscient luttent en chacun des personnages dominés
par des pulsions difficilement contrôlables.
J'ai
beaucoup aimé aussi la présence de figures secondaires assez
fouillées et dont on ne comprend pas d'emblée les réactions. Elles
viennent ajouter de l'épaisseur à ce roman graphique dont chaque
page mériterait d'être interprétée, creusée, discutée…
En
effet, rien n'est simple, et il me semble que c'est un peu le coeur
du sujet : les individus se débattent dans des obsessions dont
ils ne parviennent pas à sortir, ils apparaissent comme doubles et
perdus dans cette dualité faite d'ombre et de lumière. Ils tiennent
de l'ange et du diable et sont faits d'une douceur à laquelle se
mêle la pire des cruautés. Finalement, il est difficile de
discerner qui sont les gens (le savent-ils eux-mêmes?) comme
l'explique Pierre à sa sœur Laura avant le drame : « Ça
ne veut rien dire Laura, les gens te montrent ce qu'ils veulent que
tu voies », difficile de définir leur identité qui semble
fluctuante, instable, sans rien d'immuable ou de continu.
Au
fond, chacun porte (volontairement ou non/consciemment ou non) un
masque et les apparences sont souvent bien trompeuses...
En
dire plus concernant l'intrigue serait en dire trop, mais je pense
que rien n'est simple dans ce roman graphique et que bon nombre de
questions demeurent jusqu'au bout.
Enfin,
les couleurs mates, l'aspect épuré du dessin et le côté
géométrique des lignes créent
un univers labyrinthique dans lequel chacun semble comme pris au
piège.
Un
univers trouble, fascinant, plein de tension et de non-dit qui vous
habitera longtemps…
Je n'ai pas l'habitude de lire ces romans-graphiques qui semblent, pourtant, pleins de qualités. Il faudrait que je m'y mette quand même...
RépondreSupprimerBonne journée.