Éditions Gallmeister
traduit de l'américain par Anatole Pons
★★★★★ (superbe!)
Avec
Chris Offutt, tout est possible, à tout moment. L'imprévisible, le
hasard, l'inattendu régissent le monde, pour le meilleur parfois, et
souvent pour le pire.
Vous
pensiez que ces deux personnages avaient tout pour être heureux ?
Ils vivent un cauchemar. Vous espérez passer un peu de temps avec ce
type haut en couleur et si minutieusement décrit ? Dommage pour
vous, vous ne le reverrez jamais. Vous aimez la belle amitié qui se
dégage de ces deux gars fort sympathiques ? Vlan, l'un descend
l'autre. Un soleil radieux illumine toute la vallée ? Au
tournant de la route, un arbre s'abat violemment sur le capot de la
voiture.
Chris
Offutt n'écrit pas de feel-good.
Pas
de bons sentiments ici.
Pas
de vision manichéenne du monde.
Pas
de gentils. Pas de méchants.
Mais
des gens qui font ce qu'ils peuvent pour vivre pas trop mal. Des gens
qui, face au pire, s'arrangent. Tant pis pour la morale. Tant pis
pour ceux qui l'ont ouverte un peu trop ou qui ont voulu imposer leur
loi bidon.
Non,
rien n'est joué d'avance, rien n'est tracé et la vie n'a vraiment
rien d'un long fleuve tranquille.
On
se tient aux aguets quand on lit un texte de Chris Offutt et la
tension est permanente. Parce que le pire rôde toujours dans cet
univers violent, âpre et sauvage : la mort peut frapper à tout
moment, n'importe qui, même les gens les plus sympathiques, même
les coeurs purs, même les enfants.
Chris
Offutt met en scène des gens qu'on ne voit pas habituellement :
des petites gens, ceux qui n'ont pas eu de chance, dès le départ.
Des écorchés, des blessés, des meurtris.
Ils
sont là, bien présents, dans toute leur humanité, leur faiblesse,
leur peur, leur générosité, leur honte, leurs mensonges, leur vie
cabossée, leur corps cassé.
Pas
d'apitoiement, pas de pitié.
Ils
sont comme ils sont et ils assument leur malchance. Ils se
débrouilleront avec ça, comme ils l'ont toujours fait.
L'auteur
sait, par un détail, les faire exister. Pas de longues descriptions
inutiles, pas d'effets de manche : non, juste l'essentiel, une
suggestion, un mot ou deux : un tremblement dans la voix, un
silence, un regard et tout est dit.
Tout
en pudeur, en retenue.
Et
ils existent. Ils sont.
Il
suffit de quelques lignes à Chris Offutt pour faire surgir un
personnage que l'on n'a dorénavant plus envie de quitter. Parce
qu'il nous intrigue, parce qu'on nous laisse supposer un passé bien
lourd. Mais l'on ne saura pas forcément lequel. Pas tout de suite en
tout cas. Le lecteur est plongé in medias res, dans l'action, la
rencontre, le mouvement. La pause permettra de comprendre.
Et
quand l'amour surgit, dans cet univers bien sombre, tout s'apaise.
Tout
devient tendresse.
Enfin.
La
poésie se déploie sur le monde et un court moment, au moins, on
souffle.
Encore
une chose : vous saurez toujours avec Chris Offutt quelle plante
émet cette fragrance un peu envoûtante, à quelle essence d'arbre
appartient l'ombre que vous devinez à peine dans le lointain d'une
nuit étoilée, quels sont les oiseaux qui chantent en fin
d'après-midi lorsque l'orage menace et que l'air se charge d'eau. La
nature, omniprésente, essentielle, sert de refuge. Elle protège,
cache, soigne. Parce que le monde est dur, brutal, violent, cruel
même et qu'il faut se battre.
Chaque
jour, encore et encore.
Une
lutte que l'on sait infinie.
Je
vais vous laisser faire connaissance avec Tucker, découvrir d'où il vient et ce qu'il a fait avant de marcher, par
cette matinée lumineuse de printemps, le long d'une route de l'Ohio.
Il
rentre chez lui, sur ses terres.
Au
loin, on aperçoit déjà les plaines vertes et ondoyantes du
Kentucky.
Ce
qu'il fera après, il vous faudrait beaucoup d'imagination pour le
deviner parce que Chris Offutt est un vrai conteur et qu'il ne vous
laissera jamais rien prévoir à l'avance. (Ne lisez pas la quatrième
de couv', ce serait tellement dommage!)
En
deux mots ou presque : je me suis régalée de ce chef-d'oeuvre.
Sur une route écrasée de soleil, s'arrête une vieille voiture. L'homme qui sort sa tête s'appelle Freeman… Tout un programme.
Tucker
monte dans le pick-up, un Chevrolet 1949.
Allez-y,
montez avec lui...
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