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dimanche 22 mai 2016

Et qu'advienne le chaos d' Hadrien Klent


Ah, les couvertures des éditions Le Tripode… je crois que c’est une certaine Lola Duval qui a conçu la maquette… Résultat ? Impossible de résister à cet iris bleu et jaune qui vous fixe. L’hypnose commence, je tourne les premières pages. « - Rien que de très normal, pour quelques secondes encore. » me prévient-on. Allez, j’y vais, je me sens prête pour le voyage…
Phoenix, Arizona. Mikael Korta, chercheur, travaille chez Biometrics « La mesure de l’homme au service de l’humanité », entreprise qui stocke une quantité impressionnante d’empreintes génétiques. Passionné par sa mission et refusant se s’investir dans une éventuelle vie de famille, Korta a pris soin d’accumuler dans son propre sous-sol une certaine quantité de matériel électronique pour travailler tranquillement, loin du regard soupçonneux de ses collègues et de sa direction, et profiter de la nuit pour approfondir ses recherches car il dort peu.
En pénétrant dans son bureau, on le découvre au téléphone avec une femme : April. De l’autre côté de l’Atlantique, à Londres, la jeune scientifique se consacre, elle aussi, à la recherche. Elle est inquiète : l’Etat risque de lui couper les subventions qu’elle recevait, mettant fin par là même à ses travaux. Evidemment, elle envie un peu cet homme qui dans sa société privée dispose de moyens impressionnants.
 La conversation est brève mais l’on sent une certaine tension : il est question de tester des protocoles. Elle doute. Visiblement, elle n’apprécie pas ce chercheur qu’elle a rencontré lors de séminaires. « Une gigantesque intelligence scientifique mêlée à une perpétuelle mauvaise humeur. » Elle semble mal à l’aise. Il faut dire que leur découverte est de taille. S’il venait à Korta l’idée d’en faire un mauvais usage, les conséquences seraient dramatiques pour l’humanité. Elle a des craintes. On le sent. Elle repense à leur découverte : la théorie des calques.
 Pour faire simple : prenez des feuilles de papier calque, sur chacune d’elles, dessinez une carte du monde et ajoutez entre une et quatre- vingt dix-neuf personnes, réparties de façon aléatoire. Replacez ces feuilles les unes sur les autres : voici l’humanité.
Or, Korta a compris qu’il était possible d’isoler un calque, autrement dit, de mettre à l’écart un groupe d’individus qui cesserait d’être superposé aux autres. Et alors, me direz-vous ?
Et alors, ces gens vivraient pendant exactement deux heures quarante-six minutes dans une autre réalité, un autre espace-temps, coupés du reste de l’humanité. Et quand on a compris tout ça et qu’on est un peu dérangé, la tentation est de vouloir isoler son propre calque, celui sur lequel on apparaît et de faire disparaître petit à petit les individus qui y figurent afin de devenir … le dernier homme.
Notre Korta se rend régulièrement chez un psy, peut-être est-ce là ce qui va le sauver de cette entreprise terrifiante, sauf que ce médecin ne peut s’empêcher de lécher les objets pour s’assurer de leur réalité. « …psychose circulaire, avec des accès maniaques qu’on pourrait presque qualifier de paraphrénie, mais attention : au sens de Kraepelin. » Bref, on est mal barré avec lui ! A moins que…
Que d’invention dans ce livre ! Que d’inventions ! Franchement, le classer dans la catégorie SF serait vraiment réducteur ! Il fait plutôt partie des OVNIS de chez Tripode !
C’est à la fois un roman d’amour (je n’en dirai pas plus !), un roman comique (ah ! les séances chez le docteur Fichte, Ah ! Joshua, orthodontiste et historien de la dentition à ses heures perdues qui vous apprendra que Staline avait les meilleurs dentistes de l’URSS notamment le professeur Cressykov…). S’ajoute à cela le théâtre de Shakespeare avec un Montesquiou jouant le personnage de Timon d’Athènes. Dans cette pièce, le héros éponyme, aimé et aimant tant que les caisses du royaume sont pleines, offre à ses amis un généreux banquet ; puis, ruiné, il découvre avec horreur que seul l’intérêt motivait ses amis, ce qui le transforme en un misanthrope de la pire espèce ne souhaitant qu’une seule chose : « qu’advienne le chaos ».
Et avec cela, un peu de philo car contrairement à ce que pensait Sartre, l’enfer, ce n’est pas forcément les autres, loin de là !
N’oublions pas, cerise sur le gâteau, le suspense qui nous retient de poser le livre avant de l’avoir fini !

Inutile de vous dire que je me suis vraiment bien amusée ! 

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