En 2010, Marie Darrieussecq
reçoit une invitation pour un colloque de psychanalyse sur la maternité. Son
regard est immédiatement attiré par la petite reproduction d’un tableau dans un
coin : une femme allongée allaitant son enfant. La position est juste, vraie.
Un homme n’a pu voir cela. En effet, c’est une femme qui a peint le
tableau : Paula M. Becker.
Marie commence des recherches,
est éblouie devant les reproductions qu’elle découvre et s’interroge :
pourquoi cette femme peintre n’est-elle pas plus connue, pourquoi ne voit-on
pas ou si peu ses tableaux ? Etrange.
Elle se rend à Essen dans la Ruhr
au musée Folkwang. Elle veut voir l’un des autoportraits de Paula. Il faut
descendre au sous-sol, l’informe le directeur. Il y a beaucoup d’œuvres de
femmes au sous-sol. Celles des hommes sont à la lumière. Derrière une vieille
télé, l’Autoportrait à la branche de
camélia.
Paula Becker n’aime qu’une
chose : « Oh, peindre, peindre, peindre ! ».
Ses amis sont Clara Westhoff et
Rainer Maria Rilke. Clara est sculptrice, Rilke est poète. Paula décide de
quitter Worpswede pour Paris : elle s’inscrit à l’Académie Colarossi et
suit des cours d’anatomie à l’Ecole des Beaux-Arts. Elle fréquente le Louvre.
Elle adore Monet, Cézanne, Gauguin. Elle aimerait montrer toutes les merveilles
qu’elle découvre à Otto Modersohn, un autre ami peintre. Il finit par venir
mais repart aussitôt, sa femme vient de mourir. « A Worpswede, elle peint
l’écorce noir et blanc des bouleaux, la tourbe des marais. » On est en
1900, Paula a vingt-quatre ans. Elle peint des paysannes, des jeunes filles,
des voisins, des vieillards, des arbres…
1901- Paula épouse Otto et Clara,
Rilke. Les parents de Paula acceptent ce mariage à condition que leur fille
prenne des cours de cuisine : une femme doit « savoir nourrir son
mari ». Paula part à Berlin pendant deux mois, période qu’elle appellera
son « siècle culinaire ». Mais son âme « meurt de faim ».
Elle ne supporte pas les situations qui lui « prennent de l’air ».
Elle veut peindre. Elle n’est pas heureuse : « La routine, la
cuisine. La matérialité des choses… »
Elle repart à Paris, puis revient.
Otto s’inquiète et écrit dans son journal que « son intérêt pour la
famille et sa relation à la maison est trop faible » et en matière de
peinture, elle ne veut, hélas, écouter aucun conseil. Lui, au moins, vend des
tableaux.
Personne ne voit les peintures de
Paula. Une femme artiste, c’est une femme qui n’est pas à sa place, c’est un
être déplacé, « dégénéré » diront certains bientôt…
A travers cette biographie, Marie
Darrieussecq redonne vie à Paula, la place dans la lumière, celle qu’on lui a
toujours refusée, parce qu’elle était une femme...
Marie voulait « lui
rendre plus que la justice…. l’être-là, la splendeur. »
C’est réussi et nous irons voir
ses tableaux et nous resterons longtemps à les contempler.
Peut-être rattraperons-nous ainsi
le temps perdu, si c’est encore possible…
J'attends avec impatience qu'il soit à la biblio.
RépondreSupprimer