Jean Grégor (le vrai)
l’avoue : déçu par l’insuccès de son dernier livre, il a eu envie d’en
finir avec la littérature et a souhaité écrire … son dernier livre.
Pour marquer le coup, il s’est
mis en scène à travers un romancier éponyme qui veut disparaître, « lassé
d’être Jean Grégor ». Belle mise en abyme…
Je vous explique.
Le narrateur, Igor Panegre est un
homme de théâtre. Il se rend à contrecœur à un dîner mondain. Sa femme vient
de le quitter, il n’a pas envie de parler et si on lui adresse la parole, il
compte bien dire la vérité : il ne va pas bien.
Son voisin de table semble tout
aussi désabusé. Il s’appelle Jean Grégor, est un écrivain connu et veut écrire
son dernier livre.
Lors de la discussion, Igor lui apprend qu’il
participe à un programme de réinsertion par le théâtre en faisant jouer des
gens proches de la désocialisation. Jean écoute, intéressé.
Un mois après, il rappelle Igor et lui expose
son projet : il voudrait sauver un SDF qu’il a repéré métro Rome et ce,
par le théâtre. La conversion de cet homme, son retour à la vie, serait le
sujet de son dernier livre. Parallèlement, Igor Panegre écrirait une pièce sur
le même thème, qu’ils mettraient en scène évidemment avec le SDF dans son
propre rôle.
Igor Panegre n’est pas emballé et demande à
son frère Serge ce qu’il en pense. Ce dernier, en tant qu’ancien détective,
promet de faire quelques recherches sur cet étrange Jean Grégor.
Il s’agit maintenant d’aller chercher l’homme
de la rue, de l’installer chez Jean, de lui donner un brin de culture, de
l’emmener à la piscine et de lui faire manger des légumes et du poisson à la
vapeur… L’expérience va-t-elle aboutir ? Peut-on aussi facilement refaire
surface, renaître ?
Entre temps, de son côté, Serge a
trouvé des infos: Jean Grégor veut disparaître, oui, disparaître complètement.
Il est « dans une démarche d’effacement de lui-même. »
Etrange, vraiment étrange… Faut-il
le prendre au mot ? Que cherche-t-il précisément ? A-t-il vraiment toute
sa raison ?
D’ailleurs, est-ce un hasard s’il
a voulu s’associer à un homme, Igor Panegre, qui a vu, enfant, son père se
volatiliser du jour au lendemain ?
Ce roman soulève de nombreuses
questions : l’art peut-il sauver une âme ? Peut-on faire un pied de
nez à son destin ? Un homme peut-il se métamorphoser et devenir quelqu’un
d’autre ?
Les questions de l’identité et de la quête des
origines vont, elles aussi, venir se greffer sur ces interrogations
fondamentales.
Petit à petit, le lecteur glisse
dans un jeu de miroir vertigineux annoncé d’une certaine façon par un titre
jouant sur les notions de réalité et de fiction. Tout se met en place
progressivement, peut-être parce que tout a été parfaitement réfléchi.
Et si le vrai Jean tentait une expérience
sur ses vrais lecteurs (nous) qui, succombant à l’attrait de ce roman, en
redemanderaient, lui refusant par là même un départ anticipé ?
Finalement, cette répétition de
« Jean Grégor », sur la couverture, n’est-elle pas comme un rappel à
la fin d’un spectacle, le lecteur répétant le nom de celui qui veut fuir comme
pour le faire revenir sur le devant de la scène ?
En tout cas, qu’il ne nous fasse
pas le coup de disparaître, on irait le rechercher !
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