Éditions JC Lattès
★★★★☆ (J'ai beaucoup aimé)
Finalement,
peut-être le personnage principal de ce roman est-il le lac de
Genève : il est là, large, somptueux, changeant constamment de
couleur, jouant de ses reflets, comme un appel vers les profondeurs,
mystérieuses et envoûtantes, pleines de monstres repoussants.
Est-ce
vers ces abîmes qu'a été si soudainement engloutie Summer ?
Longtemps, on a pensé que l'on retrouverait son corps bercé par des
vaguelettes argentées, ses longs cheveux blonds emmêlés dans les
roseaux. Summer Wassner, dix-neuf ans, une adolescente lumineuse et
d'une folle beauté, disparut lors d'un pique-nique entre amis.
C'était l'été, le bonheur, l'insouciance, la sensualité,
l'adolescence. « Ma sœur ressemblait pour de vrai à
une reine de beauté de feuilleton américain, ces filles saines, aux
jambes élastiques, avec des dents blanches irréelles, et dans leurs
yeux une lueur insaisissable évoquant le chagrin ou le mal. Ces
filles qui ont des rêves trop grands pour elles, ou qui font naître
une douleur, quelque chose qui ressemble à du ressentiment, dans le
coeur des garçons, et qui finissent dans le coffre d'un 4X4, au fin
fond d'une forêt. »
Benjamin, son frère cadet, ne s'en est jamais remis. Vingt-quatre ans auparavant, dans la belle maison au bord du lac, les parents de Summer furent pétrifiés : ils cherchèrent, attendirent, guettèrent le moindre mouvement. Les nombreux amis accoururent pour les aider, les plaindre, pleurer. Rien. Summer avait disparu. Définitivement, semblait-il.
Alors les années passèrent, autant de saisons, plates et lentes, floues et sans saveur. Aucune ne rapporta Summer et le malaise de Benjamin, âgé maintenant de 38 ans, se fait chaque jour de plus en plus profond, gagnant tout son être, l'empêchant de vivre, de respirer, d'aimer, de grandir, de devenir un adulte.
Benjamin, son frère cadet, ne s'en est jamais remis. Vingt-quatre ans auparavant, dans la belle maison au bord du lac, les parents de Summer furent pétrifiés : ils cherchèrent, attendirent, guettèrent le moindre mouvement. Les nombreux amis accoururent pour les aider, les plaindre, pleurer. Rien. Summer avait disparu. Définitivement, semblait-il.
Alors les années passèrent, autant de saisons, plates et lentes, floues et sans saveur. Aucune ne rapporta Summer et le malaise de Benjamin, âgé maintenant de 38 ans, se fait chaque jour de plus en plus profond, gagnant tout son être, l'empêchant de vivre, de respirer, d'aimer, de grandir, de devenir un adulte.
Lui qui aimait tant ses parents, sa
sœur, les plaçant bien au-dessus de lui même, ayant la vague
impression qu'au fond, il ne les méritait pas, comme si sa place
n'aurait jamais dû être parmi des êtres si beaux, si pleins de
charme et à qui tout réussit, Benjamin, tant d'années après, vit
hanté par des cauchemars d'où il émerge tétanisé, tendu, vaincu.
Oui, il fallait l'admettre, Summer avait définitivement disparu.
Elle ne reviendrait plus. Elle était morte, c'était certain. Il
avait beau se repasser en boucle les images déjà anciennes de ce
pique-nique, il ne trouvait rien qui puisse le mettre sur la voie,
rien qui le conduise à sa sœur. « On finit toujours par
retrouver les gens, ils laissent des traces. » avait confié
l'inspecteur Alvaro Aebischer au moment de l'enquête.
Pourtant, Summer n'en avait laissé aucune. Elle s'était soigneusement évaporée, volatilisée. Le silence régnerait dorénavant pour toujours dans cette belle villa face au lac où tous semblaient cacher quelque chose et ne vivre que pour les apparences, à la surface des choses, comme s'ils craignaient de plonger en eux-mêmes et d'être incapables de refaire surface.
Pourtant, Summer n'en avait laissé aucune. Elle s'était soigneusement évaporée, volatilisée. Le silence régnerait dorénavant pour toujours dans cette belle villa face au lac où tous semblaient cacher quelque chose et ne vivre que pour les apparences, à la surface des choses, comme s'ils craignaient de plonger en eux-mêmes et d'être incapables de refaire surface.
Un
roman tout en atmosphère, en attente, en silences dont l'intérêt,
me semble-t-il, est lié au point de vue choisi par l'auteur pour
raconter les événements : en effet, le narrateur, Benjamin,
est un être à part, profondément dépressif, timide, fragile et
d'une extrême sensibilité ; du coup, on doute de sa juste
vision des choses, de sa capacité à interpréter le réel. Benjamin
souffre de sa difficulté à comprendre ce qu'il voit, à mettre des
mots sur ce qu'il sent, sur ce qu'on lui cache depuis toujours. Il
erre en lui même comme dans la vie, dépossédé de la personne
qu'il aime le plus au monde et son existence ressemble à une espèce
de flottement dans une eau trouble et nauséabonde dont il ne
parvient pas à s'extraire pour regagner le bord.
Il coule lentement,
s'enfonce, est tiré vers le tréfonds où se trouve peut-être cette
sœur, cette Ophélie aux cheveux dansants, ce soleil qui lui manque
et dont l'absence le maintient en profondeur. Pendant combien de
temps parviendra-t-il à vivre ainsi, en apnée ? N'est-il pas,
lui aussi, en train de disparaître, d'être englouti ? A moins
qu'une force inattendue le tire de là et le pousse à s'en sortir...
C'est
un texte fascinant que nous offre là Monica Sabolo sur le thème de
la famille, des rapports entre ses membres, de ses secrets, une œuvre
pleine de poésie, de métaphores aquatiques à la fois sensuelles et
mystérieuses, porteuses de vie et de mort.
Et
ce lac… si beau
et si terrible, presque menaçant, symbole des profondeurs opaques de
la psyché humaine où Benjamin, tel un fantôme, patauge et s'enlise
depuis son jeune âge, tentant de se relever pour vivre enfin...
Une
belle lecture, magnétique et envoûtante.
Très belle critique qui donne vraiment envie de découvrir ce livre et son atmosphère aquatique...
RépondreSupprimerMalheureusement, je l'ai lu et il m'a profondément ennuyée au point que j'ai failli l'abandonner... Mais j'aurais eu tort car dans la dernière partie, le récit sort enfin des remous du lac pour s'animer un peu...